Je fais partie des quelques personnes à ne pas avoir été emballé par « Bohemian Rhapsody », lui reprochant notamment son grand classicisme peu adapté à une personnalité hors du commun comme pouvait l'être Freddie Mercury. Je vous parle de ça car Dexter Fletcher, le réalisateur de « Rocketman », est également celui qui a terminé le biopic sur le leader de Queen après le renvoi de Bryan Singer, et je ne peux m'empêcher de penser que s'il avait été choisi d'emblée, le résultat aurait sans doute été tout autre. Mais pour revenir au film du jour : enfin une biographie prenant ses libertés pour offrir plus de spectacle, plus de plaisir : plus de cinéma, tout simplement. Qu'importe qu'Elton John n'ait pas fait exactement ça tel jour à telle heure, qu'on embellisse ou dramatise les différents événements : l'essentiel est de réaliser une œuvre à l'image de l'homme, excessive, délirante et surtout pleine d'inspiration, de folie. Car on peut sans doute reprocher beaucoup de choses à « Rocketman », mais certainement pas de ne rien tenter, les nombreuses scènes musicales enivrantes, truffées de trouvailles visuelles assez dingues, nous mettant dans un état quasiment extatique. Faire de cette vie hors du commun un quasi-spectacle de Broadway, où l'on entendrait les chansons du grand Elton
non pas dans le contexte réel de leur création (du moins rarement), mais selon son état d'esprit et sous forme de show flamboyant
, je trouve ça vraiment brillant, me rappelant la liberté, les extravagances d'un Ken Russell, grand spécialiste des biopics musicaux flamboyants (et beaucoup plus sombres). Dommage que, trop souvent, notamment à mi-parcours, le film s'adonne à un ton beaucoup plus classique, n'échappant pas à une certaine platitude, voire banalité (franchement, le coup du « je suis un grand artiste richissime mais au fond, je suis seul dans ma superbe maison et personne ne m'aime vraiment, difficile de faire plus cliché) : au moins la relation avec ses parents, notamment sa mère (méconnaissable Bryce Dallas Howard), s'avère t-elle plus subtile qu'à l'accoutumée, Fletcher en faisant un personnage finalement assez complexe, habile dans son monstrueux égoïsme. Côté casting, aucune fausse note (ni de performance d'exception, d'ailleurs), si ce n'est, sans doute, celle de Taron Egerton : alors que j'étais plus que dubitatif vis-à-vis de ce choix, celui-se glisse avec beaucoup d'aisance et d'incarnation dans le « personnage », s'offrant même le luxe de chanter lui-même les mythiques chansons du « King » avec une belle réussite (sans atteindre le niveau des originales, faut pas déconner non plus!) : respect. Bref, si le résultat pêche parfois pour son appétence à un académisme ne lui convenant guère, difficile pour moi de rester insensible à ce tourbillon d'images et de musique du meilleur effet (très beau travail technique, au passage) pour une biographie vraiment pas comme les autres et, à nouveau, le regret de ne pas avoir eu un tel parti pris concernant la vie du grand Freddie Mercury. Et si le box-office donnera assurément raison à ce dernier, artistiquement, « Rocketman » me laissera un souvenir autrement plus mémorable, faisant, enfin, preuve de l'audace, de l'inventivité manquant si cruellement au cinéma actuel. Un biopic donnant une leçon de créativité ? Savoureuse ironie.