Une étoile pour les décors : jolies canapés blancs qui sentent le neuf, jolies parquets, jolies voitures aussi, nickel-chromes.
Concernant le traitement du sujet et des personnages, on est dans la caricature par hypocrisie, refus de poser un point de vue sur cette histoire.
La scénariste/ réalisatrice a bien insisté sur le fait qu'elle ne voulait pas juger les personnages et ce qu'ils vivent (très tendance de nos jours de "ne pas juger"). Mais il semble que pour elle, ne pas juger, se résume à dévitaliser l'intériorité de ces personnages de toute motivation pertinente et surtout dédouaner le personnage de la jeune femme de toute culpabilité dans le meurtre de son amant. Car que nous révèle-t-on de cette jeune femme : qu'elle n'a aucune pulsion de violence qui lui soit propre : les parties sado-maso, elle est pas pour, elle y va à reculons, et par AMOUR, bien sûr, elle s'y soumet par Amour, pour le satisfaire, lui ( il est dominateur, demande à être soumis dans l'acte sexuel, mais finalement, il reste dominateur dans l'acte sexuel, puisqu'elle se soumet à être dominatrice, alors qu'elle voudrait pas). On voit rapidement que va se créer un déséquilibre dans l'image des personnages, puisque le personnage du banquier sera le sale type du début à la fin, mais finalement, il aura ce qu'il mérite, n'est-ce pas ? Puisque la pulsion de violence qui aboutira au meurtre ne sera pas celle de la jeune femme mais celle du banquier, que le banquier aura imposé à la jeune femme !
La preuve qu'elle n'a aucune violence en elle : même quand elle met des gifles au banquier (en dehors de leurs séances sado-maso) parce qu'il a vraiment été exécrable, et bien, là encore tout instinct de réelle violence du personnage est désamorcé par une mine affligée de remord. Elle est pas mauvaise, la bougresse, on vous le dit ! En fait, c'est mère Térésa ! Elle fait tout par AMOUR !
La preuve, elle est pas vénale non plus. L'argent, elle en veut pas. D'ailleurs, c'est lui qui lui en parle, pas elle. C'est lui, le sale type qui veut tout acheter, qui lui promet un million alors qu'elle, elle a rien demandé. D'ailleurs, le personnage ne demande jamais rien, ne dis pas grand chose sur ses attentes et ne s'affirme pas dans quoi que se soit. Même quand il lui parle mariage, on sait pas si elle veut : mais elle doit surement vouloir, puisqu'elle refuse pas (alors que pour l'argent, on lui fait bien dire qu'elle en veut pas avec force de cris). Elle est pas vénale, si vous avez pas compris ! Donc c'est sûr qu'elle le tuera pas à cause de ça, et que ce meurtre sera moins sordide.
Quand elle en a marre de ce type qui l'a fait souffrir, elle répond plus au téléphone, ce qui fait craquer le banquier et donne lieu à des scènes où il va au devant d'elle. La preuve qu'ils sont dans la passion : ils se font du mal, mais ils peuvent pas se séparer, ils finissent par revenir l'un vers l'autre !!! Pour pas tomber dans le mélodrame bidon, on plombe tout avec des acteurs qui font la gueule dans les beaux espaces vides ! Sauf que ça plombe aussi tout le ressenti passionnel qui serait censé émerger ! Mais c'est vrai que cette histoire, on n'est là pour la comprendre même pas en nous la faisant ressentir car "les histoires d'amour sont des planètes privées !" Alors finalement pourquoi faire un film sur une histoire qui est vouée d'avance rester hermétique car trop personnelle ?
Le banquier de son côté, ben, c'est un type dominateur, sans humanité qui aime humilier, qui est "fort avec les faibles, et faibles avec les forts" d'après la jeune femme, sauf que ça dans le film, on nous le montre jamais : il est froid et exécrable avec tout le monde, même le ministre !!! Sa demande redondante à être "mis à mort" dans leurs ébats ? rien d'autre qu'une provocation pour humilier comme un jeu de "t'es pas cap !" Est-ce que tous ceux qui pratiquent le SM ont de telles demandes dans leurs jeux ? Sûrement pour la réalisatrice, puisqu'elle ne prend pas la peine de traiter cette demande, qui porte quand même l'enjeu dramatique du film, comme un élément singulier à interroger. Aucune interrogation non plus sur le désir masculin que la réalisatrice prétend questionner ! Ou alors il faut y comprendre que l'homme à une pulsion violente et la femme n'en a aucune ? Le pauvre Poelvoordre fait ce qu'il peut avec un personnage aussi grossièrement échafaudé.
Pour finir, je voudrais revenir sur la scène finale : cette scène s'ouvre sur le personnage de la jeune femme qui propose une énième partie SM que l'on sent se profiler comme la dernière. En effet, pour une fois, c'est elle qui propose, elle est bien plus apprêtée que d'ordinaire, on sent qu'elle veut l’appâter avec des attitudes plus vénéneuses, elle qui les autres fois semblait y aller avec peu d'entrain. Tout contribue à nous suggérer qu'elle a déjà l'idée derrière la tête. Que Nenni ! Une fois, le banquier ficelé, elle ouvre un tiroir pour y prendre un objet et là, elle tombe fortuitement et malencontreusement nez à nez avec le révolver, qu'elle finit par prendre avec un mouvement d'hésitation apeurée. Et puis, elle se colle devant lui, le braque, il l'incite à en finir et elle tire, malgré elle, puisqu'on nous la montre le visage déchiré de douleur. Elle voulait pas mais il l'a obligé. C'est pas sa pulsion à elle, c'est la sienne à lui. Elle est pas coupable mais lui, il l'est. On juge pas, sauf le banquier, mais, là on peut, c'est un sale type !
On pourrait aussi s'arrêter sur la scène précédente au resto, où le personnage de la jeune femme dégueule un déluge de menaces ridicules au banquier et qui la rend pitoyable d'impuissance et décrédibilise le personnage du banquier (comment peut-il être inquiété par quelques menaces verbales d'une maitresse humiliée, lui qui manie un cynisme autrement plus cinglant ?)
Mais bon, tout le problème du film est là : la jeune femme est le "bon personnage", le banquier est le "mauvais" ... le film ne raconte rien d'autre qu'une pseudo histoire de cul enrubannée dans des grands airs dramatiques fatigants et vidés de toute passion et sur laquelle on a mis un titre bateau !
Deux mots sur les lumières : y 'a des scènes où on distingue par grand chose !
Par contre, la structure du scénario et le montage sont plutôt bien maîtrisé, on ne se perd pas dans les aller -retour entre les scènes.
On sent la volonté de dialogues concis, je les ai trouvé poseurs pour certains et redondants pour d'autres (les "qu'est-ce que tu veux ? de Poevoorde), et le choix du chuchotage quasi permanent donne un côté artificiel à cette liaison qui se voudrait passionnelle.
Poelvoorde s'en sort comme il peut, c'est pas sa meilleure prestation ! Casta (son personnage m'a plus agacée qui touchée) des mines justes quand elle joue le visage fermée, tire-gueule, moins crédible quand elle doit jouer sur l'émotionnel !