Un film intéressant, très personnel. Il ne faut pas s’attendre à une reconstitution linéaire de l’affaire Stern, dont le film est librement inspiré. Il s’agit plus d’un exercice de style, d’une interprétation libre, comme un morceau de free jazz. Il n’y a pas vraiment de chronologie dans le récit mais plutôt des flash, des séquences qui s ‘enchaînent. On n’essaie pas du tout de comprendre ou de rentrer dans la psychologie des personnages. Les séquences sont bien filmées esthétisantes à souhait, comme des pages de magazines féminins de haut de gamme. C’est beau, c’est très bien éclairé (bravo au chef opérateur) .Poelvoorde et Casta sont deux personnages un peu perdus. Le thème de l’argent , du rapport de force est récurrent . Poelvoorde est abject avec les gens, sur-puissant, un peu mégalo paranoïaque. Casta est faible, dans le besoin, et utilise le sexe SM comme un moyen de s’affirmer. Dans les séquences SM elle prend possession du sur-homme, les rôles se retournent. Mais ce n’est qu’illusion ; le banquier lui promet 1 million de dollars, mais c’est comme un leurre, un fantasme, ils savent tous deux que cette promesse n’ira pas au bout. Ils sont quelque part aussi instable, aussi « fou » l’un que l’autre. Leur dérive est suicidaire, une sorte de descente aux enfers. Pour elle cette illusion de « parvenir » , de s’en sortir est dangereuse, comme un poison qui va l’envenimer petit à petit, et l’amener au pire, comme un coup de poker , un banco mortel. Le film par ces touches « impressionnistes », indirectes arrive bien à nous faire passer cette sensation. Il comporte tous les éléments nécessaires, filmés devant nous, comme un puzzle. Les deux acteurs principaux sont excellents, tout en sobriété, avec une retenue qui donne la profondeur nécessaire au film. La scène finale SM est sublime. Casta qui talque Poelvoorde, comme un rituel antique de passage dans l’autre monde. On a l’impression d’une préparation égyptienne pour une momie. Poelvoorde se laisse faire, il sait qu’il n’a que ce qu’il mérite, il est enfermé dans son latex comme dans un sarcophage. A noter aussi l’intéressant et mystérieuse apparition de Philippe Nahon, l’acteur fétiche de Gaspar Noè, excellent, qui symbolise un peu les « affaires » opaques du banquier, , un monde qui échappe à l’escort-girl, on n’en saura pas plus, mais cela existait. A noter aussi la formidable bande son de Etienne Dao, qui n’est pourtant un de mes chanteurs favoris, mais qui sait trouver là l’ambiance exacte, le juste son pour accompagner ce récit trouble, par une mélodie envoutante, et lancinante. Superbe. Un beau film, un bel exercice de style, qui démontre pour ce premier film un vrai talent, la personnalité forte de Hélène Fillières, sur un sujet très difficile à traiter.