S'il revendique dès le générique de début sa bizarrerie, Wrong ne filme pourtant pas tant l'irruption brutale de l'absurde dans le quotidien que l'extrème banalité de celui ci. En effet, le réveil sonne tous les matins, les voisins discutent entre eux, Dolph se rend à son travail chaque jour... La routine. Mais quelle routine ? Il est assez étonnant de constater que ce réveil indique 7h60 et que des trombes d'eau s'abattent dans le bureau, et ceci tous les jours, et cela semble parfaitement normal aux personnages de Dupieux. Cela porte à réfléchir sur la légitimité de ce qu'on appelle "quotidien", "normalité", etc... Ainsi, lorsque le palmier de Dolph se change en pin, c'est moins l'étrangeté de cette mutation qui l'inquiète (une mutation qui semble d'ailleurs minime, particulièrement grâce aux ressemblance entre les termes palm tree et pine tree), que le fait qu'il doive être impérativement remis en place. C'est sur ce modèle, d'ailleurs, que Wrong se construit. Ne pas dévier du quotidien. Tous les personnages du film de Dupieux semblent tout faire pour s'agripper à cette ligne droite, rassurante. Dolph, licencié, se rend encore et toujours à son travail, dans la continuité de ses habitudes, ses collègues le méprisent parcequ'il rompt la logique sociale (quand quelqu'un est viré, il est parfaitement normal qu'il ne remette plus les pieds aux bureaux...), un jardinier (interprété avec brio par Eric, qui a trouvé le réalisateur qui lui convenait) qui meurt et ressucite sans arrêt pour trouver un compromis entre l'état moral de Dolph (troublé déjà par l'enlèvement de Paul, son très cher chien) et une certaine rationalité (c'est pas permi de ressuciter comme ça !). Tous les personnages sauf un, en vérité : le voisin de Dolph, qui refuse d'admettre qu'il fait du jogging, et qui s'en va, du jour au lendemain, pour fuir cette banalité qui le répugne. Magnifique vision que de le voir parcourir cet immense désert blanc, dans une sorte d'apaisement existenciel, au bout du monde. Esthétiquement, d'ailleurs, Wrong est magnifique, tout en pastel, sans couleurs agressives qui viendrait (encore une fois) perturber le spectateur comme le personnage. Wrong, c'est une reflexion sur le quotidien, sa légitimité, et c'est la mise en opposition de deux images magnifiques : celle de Dolph retrouvant son chien et sa routine, et celle de son voisin parcourant sans but réel une immensité à la périphérie de tout. Sans nul doute le plus beau film de Quentin Dupieux.