C’est un chef-d’œuvre, la beauté plastique des décors est intemporelle. C’est peut-être difficile d’en parler, parce qu’on l’aime dès la première vision quel que soit l’âge qu’on a. C’est à la fois du pur divertissement, un récit empruntant autant au film noir qu’à la science-fiction, rythmé et « agile », et d’une grande profondeur : tout passe le maniérisme, le côté un peu « gothique » aussi, cette façon de jouer de la part des personnages comme si on était dans une tragédie shakespearienne, avec de la morgue, des poses marmoréennes, le final époustouflant avec cette ultime tirade de Rutger Hauer, rien ne paraît pas monolithique, ou ridicule, ou outré,… Lors de la rencontre entre le Réplicant et son créateur, le face à face entre Dieu et sa créature, la question que soulève l’existence des réplicants, leur avoir donné la conscience et aussi la conscience de leur finitude, si il n’y a qu’une question philosophique à poser c’est celle du suicide selon Camus, face à l’absurdité, à laquelle est confrontée tout humain, et doublement, jeu de mot, les réplicants, qui justement ne sont que des doubles, donc des humains de seconde zone, cette question de ne pas posséder son destin est camusienne,…Le monde est une vaste ville, et une immense fabrique : partout on fabrique, on nourrit, on divertit, mais c’est un plan d’immanence, on a beau plané dans les airs, grâce à des véhicules qui glissent littéralement dans un espèce d’éther, une fois qu’on est au sol, tout se mélange, tout est mélange, les langues, les cultures, les humains, et tout donne le sentiment d’une vie hyperactive, et dans d’immenses immeubles, il règne le silence, les occupants sont partis obéissant aux sirènes des propositions de voyage vers d’autres mondes, et les artefacts technologiques comme ce traitement d’image, qu’utilise Deckard ou les animaux cybernétiques comme si la nature n’existait plus, ou bien les automates qui n’ont pas d’âge du point de vue de leur forme, ne nous donnent pas le sentiment d’être dans un film de science-fiction qui met en avant ses objets, pour bien appuyer que nous sommes dans un autre monde, cela semble un futur possible, une évolution possible de l’humanité.