Première adaptation au cinéma d’un roman de Philip K. Dick, Blade runner est rapidement devenu une œuvre phare de la science-fiction. En effet, son importance est au moins égale à celle du Métropolis de Fritz Lang en ce qui concerne sa représentation du futur.
Jamais jusqu’à sa sortie une ville futuriste n’avait été représentée à l’écran avec un tel réalisme. Cela est dû à une étude des évolutions technologiques (écrans géants sur les façades d’immeubles, voitures volantes…), recréées grâce à des effets spéciaux incroyables, en parti signés Douglas Trumbull, et des évolutions sociétales (communautarisation des quartiers de grandes villes, aspects de plus en plus grouillants de ces mêmes quartiers, remplacement progressif de l’homme par la machine…).
Toutefois, si Blade runner a marqué l’histoire du cinéma, cela est dû également à son rythme assez lent (les séquences d’action sont très peu nombreuses, ne possèdent pas des cascades gigantesques et ne durent que très peu de temps, aspect qui renforce leur crédibilité), au réalisme de son personnage principal (Deckard est loin d’être un héros invincible et souffre des coups qu’il reçoit) très fortement inspiré par le film noir (il porte un imperméable et boit du whisky), à son ambiance mélancolique (beaucoup de séquences se déroulent de nuit ou sous la pluie) et à sa réflexion sur l’humanité
(dotée de souvenirs et de sentiments, Rachel ne s’était jamais rendue compte qu’elle n’était pas humaine ; Deckard et Rachel tombent amoureux l’un de l’autre alors que Rachel est une réplicante et que Deckard est peut-être un humain ; Batty sauve la vie de Deckard alors que ce dernier n’hésite pas à tuer les réplicants)
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Ce film, où l’ambiance possède une très grande importance (notamment grâce à une photographie et un éclairage extrêmement travaillés), bénéficie également d’une interprétation incroyable donnant à Harrison Ford un nouveau rôle iconique, après ceux de Han Solo et d’Indiana Jones, et à Rutger Hauer un rôle de méchant qui sera le plus marquant de sa carrière (pouvant être incroyablement violent puis se rendant compte du prix de la vie lorsque la sienne s’en va). La réalisation de Ridley Scott est aussi énormément renforcée par la musique de Vangelis (qui retrouve d’ailleurs pour un morceau son comparse des Aphrodite’s Child, Demis Roussos, et se permet des passages en japonais pour renforcer l’aspect cosmopolite du Los Angeles futuriste) retranscrivant à merveille l’ambiance du film et restant toujours une des plus célèbres bande originale de l’histoire du cinéma.
Enfin, il faut noter que ce film possède de multiples versions. Même si elles peuvent offrir des interprétations différentes. Ainsi, les versions sorties en 1982 (les légères différences entre celle à destination des États-Unis et celle dirigée vers l’international ne concernant que quelques plans violents) possèdent une voix-off comblant les moments silencieux, renforçant l’aspect film noir et guindant un peu plus le spectateur
et possèdent une "happy-end" (utilisant notant des chutes du Shining de Stanley Kubrick), le tout n’évoquant jamais la possibilité que Deckard soit un réplicant
. Les versions sorties ultérieurement (essentiellement le director’s cut de 1992 et le final cut de 2007, corrigeant au passage certaines erreurs techniques du tournage grâce à l’outil numérique) suppriment cette voix-off (offrant une plus grande liberté d’interprétation au spectateur)
et cette "happy-end",donnant une fin plus en accord avec le ton du reste du film mais également plus abrupte, et rajoute le fameux plan de la licorne, qui, associé à la découverte de cette même licorne en origami dans les dernières secondes, donne à penser que Deckard est un réplicant
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Quelques soit la version que l’on choisit de voir (on peut accorder une légère préférence au final cut de 2007 même si les versions d’origine possèdent malgré tout un charme certain), Blade runner est chef-d’œuvre incontestable de science-fiction qui n’a été que rarement égalé depuis.