"La Traversée" est un film qui essaye de faire comme les grands, mais n'y arrive pas tout à fait.
Attention, je ne considère pas le cinéma américain comme le grand frère du cinéma français, et je ne veux absolument pas partir sur un débat théorique là-dessus. Jérôme Cornuau reprend ici les codes du thriller fantastique, du film à suspense, parfois angoissant, et visuellement "ça en jette" ! La photographie est léchée et la mise en scène met en place une ambiance angoissante vraiment réussie. Même la musique (hors générique de fin anxiogène !) accompagne très bien le film... Mais il y a quelque chose qui cloche... Plusieurs choses d'ailleurs, des petits détails qui malheureusement ont leur importance et qui viennent entacher sérieusement le film.
Les dialogues pour commencer : en regardant le film je me suis fait la réflexion qu'il suffirait d'observer les comédiens jouer, sans prendre en compte les dialogues, et ça serait excellent ! Michaël Youn, Fanny Valette, Emilie Dequenne et même la jeune Pauline Haugness sont criants de vérité ! Mais hélas, trois fois hélas, les mots mêmes cassent tout. Là où le jeu est juste, la parole est fausse et c'est vraiment dommage, surtout quand on voit le potentiel à l'image (Youn m'a quand même vraiment impressionné).
Si ce n'était que les dialogues... Mais en fait, malheureusement, il y a une faille majeure dans le scénario, et cela au sein même de sa construction. L'histoire avance, les moments beaux d'angoisse pure s'enchaînent, la paranoïa de Michaël Youn va crescendo, mais... On "s'en fout".
On veut savoir, on veut comprendre, mais sur 1h37 de film on ne nous donne AUCUN indice. Aucun. Ah si, un seul, une similitude entre certains personnages secondaires... Je n'en dirais pas plus mais c'est minime. Dans le cas d'un film à mystère, à suspense, on accepte de ne pas tout savoir parce que l'on sait qu'on saura à la fin. Mais le plaisir dans la vision d'un tel film réside en grande partie dans nos tentatives de comprendre. On assemble les morceaux et on élabore des théories. En avançant dans le film on nous donne à voir des petits détails (parfois sans que le personnage lui-même les voit) et on devine, on doute, on est fébrile même parfois... Cette dimension est à 99% absente de "La Traversée" qui se contente de nous balader dans son univers pourtant ultra-riche.
Les lieux que l'on visite ont un potentiel énorme que l'on voit très bien ici : un ferry, des maisons de vacances, des hôtels, un sanatorium, des routes, etc., autant de lieux de passage dans lesquels on ne reste habituellement pas longtemps et qui ont leur lot de mystères... Mais hélas on finit surtout pas être frustrés de ne rien comprendre.
Au final, lorsqu'on découvre le pot aux roses, on voit encore plus les inspirations américaines du scénario. Mais là où les "grands" réussissent, dans leur capacité à nous rendre curieux du dénouement, Jérôme Cornuau échoue, et c'est dommage. Malgré cela c'est une très belle tentative, et le prochain scénario sera (je l'espère) probablement mieux réussi !
Source : Plog Magazine, les critiques des ours
http://lescritiquesdesours.blogspot.fr/2012/11/la-traversee.html