Quatre années après L’Apprenti, son premier long-métrage couronné de récompenses (dont le prix Louis Delluc de la meilleure première œuvre), on attendait avec impatience le deuxième film du bisontin Samuel Collardey. Une impatience quelque peu déçue, peut-être en rapport à une attente exagérée et aussi au sujet dont on craignait fort qu’il fût cousu de fil blanc, prompt à déployer un certain nombre de clichés. Ce à quoi assurément Comme un lion n’échappe pas en totalité. Composé en trois segments (le Sénégal, Paris et le Haut-Doubs), le film parvient cependant à déjouer les pronostics et à emprunter des pistes inattendues qu’il choisit justement de ne pas poursuivre.
Élevé dans un village sénégalais par sa grand-mère, Mitri est repéré par un agent recruteur qui lui propose de l’emmener en France. Mais la grand-mère doit réunir une somme d’argent importante pour participer à l’effort financier et le film s’arrête quelques instants sur la quête de cet argent qui deviendra une dette à la fois d’honneur et tangible que la grand-mère et Mitri, par son futur contrat, s’engagent à rembourser. Toutes les tentatives pour parvenir à réunir les fonds auraient pu à elles seules faire l’objet d’un film complet. Tout comme la deuxième partie à Paris où Mitri tombe dans les pattes d’un agent véreux qui n’aura aucun scrupule à l’abandonner. On pense dès lors que le film va tourner à la chronique sociale misérabiliste, au dossier à charge sur les dérives économiques et coloniales dans le milieu du football, mais la rencontre avec un entraineur bourru et déchu (interprété par le formidable Marc Barbé pour qui on espère un jour qu’un cinéaste lui confiera un premier rôle à sa dimension, loin aussi des alcooliques en perdition et des marginaux auxquels il est habituellement abonné) conduit le récit vers une fin heureuse qu’on pourrait croire angélique s’il ne s’inspirait d’un témoignage réel recueilli par Samuel Collardey auprès d’un jeune joueur sénégalais du FC Sochaux.
Très différent de L’Apprenti (également construit en trois volets), Comme un lion pourrait cependant être approché comme son pendant ou son reflet. Là où l’histoire de Mathieu se présentait comme un documentaire avec des airs de fiction, celle de Mitri se targue d’être une fiction même si elle emprunte également aux codes du documentaire comme les séquences de la tontine en Afrique, de la salle de classe avec la fille au tableau, de la police des douanes à l’arrivée en France le confirment. Ce qui lie néanmoins les deux opus, c’est l’alliance qui se crée entre un adolescent et un adulte. Dans L’Apprenti, Paul servait de tuteur à Mathieu qu’il aidait lentement à mûrir, pas encore suffisamment pour accéder au succès mais l’étau était desserré et l’embellie envisageable, tandis que, dans Comme un lion, c’est Mitri qui sert de vecteur à Serge, la seule personne en mesure de l’aider, en lui offrant une sorte de rédemption. En franchissant une quarantaine de kilomètres et en passant des paysans aux ouvriers, celui qui est issu d’un milieu rural et modeste accomplit à sa manière le même parcours que des centaines d’habitants du Haut-Doubs, quittant leur ferme des hauteurs pour gagner l’usine Peugeot dans la vallée, rappelant du coup le statut particulier du club de foot sochalien inséparable de l’usine.
Avec plus de moyens et deux acteurs plus prestigieux (Jean-François Stévenin et Marc Barbé), le nouveau film de Samuel Collardey perd sans doute en âpreté et radicalité, se voulant résolument optimiste en pensant que le monde n’est pas encore complètement pourri et qu’il peut encore offrir une chance incroyable à un gamin doué et volontaire. Cela en fait donc une œuvre plus consensuelle et lisse qui se perd parfois dans les méandres inexploités de son récit qui véhicule aussi quelques poncifs, notamment sur la civilisation africaine.