Chaque équipe nationale africaine a son surnom : les Lions Indomptables du Cameroun, les Blacks Stars du Ghana, les Super Eagles du Nigeria, les Eléphants de la Côte d'Ivoire ; celui de l'équipe du Sénégal est les Lions, auquel on rajoute parfois "de la Teranga", afin de les distinguer des Camerounais. L'actuelle situation piteuse de ces Lions, non-qualifiés à la Coupe du Monde et à la CAN depuis plusieurs éditions, est évoquée dans le film, alors que Mitry est encore dans son village à partager ses rêves de gloire avec ses copains, et que, grand seigneur, il promet de revenir de temps en temps du Barca ou de Manchester United où il jouera pour permettre au Sénégal de retrouver son niveau de 2002. "Comme un Lion" joue donc de ce double sens : il va falloir à Mitry le courage d'un fauve pour survivre dans la jungle française, et ce sont ses qualités de futur Lion de la Teranga qui vont lui permettre d'y parvenir.
L'histoire d'un gamin africain qui s'envole vers la France pour y connaître la gloire sur les pelouses de la Ligue 1, ça a déjà été traité au cinéma : dans "Le Ballon d'Or" de Cheik Doukouré en 1993, inspiré de la vie de Salif Keita. Mais le film de Collardey débute vraiment là où s'arrêtait celui de Doukouré : à l'arrivée à Paris. Et si le taxi qui conduisait Bandian vers Saint-Etienne représentait une ellipse vers le destin glorieux qui l'attendait, la voiture de l'agent véreux qui passe devant le Stade de France illuminé un soir de match annonce le début du cauchemar pour Mitry. Car en 18 ans, le football et ses rapports à l'argent a évolué : l'arrêt Bosman a fait voler en éclat les frontières, et si à l'époque de Keita il n'y avait que deux étrangers par club, aujourd'hui chaque équipe européenne a dans son effectif une dizaine de joueurs africains. Sur cette nouvelle filière sont venus se greffer de nombreux profiteurs, et pour Mitry l'enjeu est bien plus que la réalisation d'un rêve de gamin, mais bien la nécessité de rembourser rapidement les 5 millions de Francs CFA (soit 7 600 euros) empruntés par sa grand-mère.
Samuel Collardey a dit de son premier film, "L'Apprenti", qu'il était "un documentaire avec des airs de fiction" et que "Comme un Lion" était "une fiction avec des airs de documentaire". Cette fusion des deux genres est plus réussie dans le prologue africain, avec notamment la scène de la tontine, où l'assemblée des femmes accède à la demande de la grand-mère de Mitry de bénéficier de leur mise de fond, et dans l'arrivée à Paris, où un vrai policier joue un des agents de la P.A.F. et où Jean-Pierre Rosenczweig tient le rôle du juge pour enfant qui explique sa situation à Mitry. La dimension fictionnelle est beaucoup moins convaincante dans la deuxième partie, celle qui se passe pourtant sur les terres franc-comtoise du réalisateur, la faute à des personnages trop stéréotypés (l'entraîneur marqué par son destin qui s'identifie au gamin perdu, et qui lui explique la vie comme Tony Micelli le faisait à Sam dans "Madame est servie", ou le blond qui rejette l'étranger venu lui piquer son statut de vedette avant de découvrir la fraternité du passeur décisif) et à des situations artificielles (l'immersion dans un mariage de beaufs filmé à la Pialat, trois roulettes et deux passements de jambes qui suffisent à engager Mitry au centre de formation du FC Sochaux...).
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