Quand on voit certaines sorties, on se demande s’il fallait leur donner une suite. D’autres, on en est sûr, il ne fallait pas, quand bien même le résultat ne tient pas forcément de la catastrophe. Et on est tout aussi convaincu que dans le contexte actuel, tout, absolument tout finira par avoir une suite. La suite tardive de Trainspotting est parfaitement représentative de ces tiraillements contradictoires, étant donné qu’il s’agit d’un film pas déplaisant du tout, mais qui n’avait aucune raison de voir le jour. Regardons la réalité en face : foncièrement, ‘Trainspotting’ n’était pas un chef d’oeuvre. Non, c’était un film “cool�, générationnel à mort avec son esthétique de clip MTV survolté, et arrivé pile au bon endroit et au bon moment alors que la Grande-Bretagne oscillait entre délabrement social et déluge de pop-culture : les quatre loosers d’Edinbourgh se shootaient peut-être dans des squat cradingues, mais avec Underworld, Iggy Pop et Primal Scream à fond dans les oreilles s’il-vous-plaît, et la Grande-Bretagne, même dans ses corons ouvriers, semblait alors le pays le plus sexy du monde ! Renton, Sick boy, Begbie et Spud...ils ont pris cher, plus de vingt ans dans les gencives...et moi aussi, d’ailleurs. Du coup, la concordance de ces deux constats implique qu’on ne regarde plus leurs magouilles minables et leurs plans foireux de la même manière mais avec un brin de tristesse et de mépris. Aussi occupé soit-il à tenter de réactiver un zeitgeist disparu, ‘T2’ reste pleinement conscient des années qui ont passé et des rêves qui ont filé : s’il tente toujours de jouer la carte de l’humour, il n’hésite pas à insister sur le côté pathétique de ces Lads à l’accent épais comme de la tourbe, quitte même à laisser filtrer une dimension de regrets nostalgiques, les moins atteints du lot comprenant qu’ils n’ont même pas accomplis les médiocres rêves qui les animaient autrefois, et qu’il est trop tard, qu’ils ne sont rien, posés au milieu de nulle part. ‘T2’ n’est pourtant pas non plus un film actuel, qui raconterait le monde d’aujourd’hui. Je doute même fortement qu’il s’agisse d’un film qui intéressera les Millenials : le ton, l’humour, le découpage narratif, l’esthétique MTV, tout concorde pour que ‘T2’ se retrouve affligé d’un syndrôme de Peter Pan, comme s’il était resté coincé au milieu des années 90. Réalisateur malin mais surévalué, Danny Boyle se retrouve dans le même pétrin que Guy Ritchie, autre Golden boy adoubé par la Cool Britania que son abus des effets de manche a dépossédé de son statut de faiseur de hype et a transformé en radoteur bien en peine de trouver un nouveau souffle. Néanmoins, ‘T2’ pourrait au moins disposer d’un avantage de niche : pour les finissants de la génération X comme moi, ce ton, cet esprit, cet humour, cette façon survolée et superficielle d’aborder les choses, ce sont ceux de leur adolescence et de leur jeunesse. On sent confusément que c’est devenu ringard mais peu importe, c’est l’Unité Centrale des goûts en matière de cinéma populaire, sur laquelle est venue se greffer tout le reste, et on peut bien se permettre de se laisser aller à un peu de complaisance, et trouver ce ‘T2’ finalement assez comestible, en dépit de tout ce qui a été dit précédemment. Au fond, c’est comme une soirée années 80 pleine de bedonnants, de chauves et de seins qui tombent. De l’extérieur, ça semble ridicule et un peu triste. De l’intérieur, je suis certain que tout le monde s’éclate à mort !