Les films politiques ont décidément la côte depuis quelque temps au cinéma. Décliné dans tous les genres possibles et inimaginables – du documentaire sur Obama à la comédie potache « Moi, député » avec Will Ferrell & Zach Galifianakis, en passant par le thriller « Les Marches du Pouvoir », voire le thriller d’action « Argo », la politique impressionne, interroge l’opinion publique et poursuit donc son bonhomme de chemin au cinéma avec la sortie de « No », un drame chilo-mexicano-américain co-produit et réalisé par Pablo Larrain. Adapté d’un scénario de Pedro Peirano, lui-même transposé d’après la pièce d’Antonio Skarmeta, « No » fut nommé à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère lors de la dernière cérémonie en date.
Pour obtenir une certaine cohérence dans la narration entre ses propres images, et celles d’archives, Pablo Larrain choisit de filmer avec des caméras d’époque, et particulièrement la caméra à tube Ikegami 1983, avec son image carrée, ses couleurs dénaturées et ses visages filmés en plans serrés.
Si l’illusion d’homogénéité fonctionne plutôt bien sur le spectateur, en créant ce style « docu », nous sommes dubitatifs quant à cette solution de facilité et l’intérêt d’avoir fait de « No » une œuvre de fiction. « No » est certes un drame historique et social fort, mais pourquoi ne pas avoir carrément inclus les slogans arrivistes, les spots publicitaires propagandistes, le message anti-totalitarisme dans un documentaire (calibré Arte) plus global, dont la percussion et la force auraient frappé davantage ?
Le procédé de mise en scène rend certes compte du pouvoir des images et plus largement des médias, mais la campagne électorale n’étant pas un sujet très bandant cinématographiquement parlant, on en arrive à regarder sa montre toutes les quinze minutes et prier pour que l’hymne redondant scandé par tous « Chili, la joie approche » s’arrête une bonne fois pour toutes.
Rendons hommage tout de même à l’incroyable travail réalisé sur les décors & costumes du long métrage, qui offrent grâce au réalisme du passé.
De même, le talent de Pablo Larrain pour distiller habilement tension psychologique (le calendrier du référendum, les intimidations et menaces proférées par les détracteurs du mouvement du NO) et sympathiques moments de détente (l’humour à travers les formats publicitaires de 15 minutes).
Côté casting, saluons la remarquable et salutaire prestation de Gael Garcia Bernal, révélé dans « Amours chiennes » d’Alejandro Gonzalez Inarritu, puis dans « Y tu mama tambien » d’Alfonso Cuaron et « Carnets de voyage » de Walter Salles. Le jeune acteur se construit au fil des âges une filmographie éclectique et étincelante, à saveur internationale. Gael Garcia Bernal est entouré dans « No » de comédiens au cordeau, à l’image d’Alfredo Castro, acteur fétiche du metteur en scène.
Bilan : Après « Tony Manero » en 2008 et « Santiago 73, Post Mortem » en 2010, Pablo Larrain poursuit son cinéma vérité en livrant le troisième volet de sa trilogie descriptive des combats versus le régime Pinochet. Dommage de ne pas avoir mis en boîte celui-ci sous la forme d'un documentaire.