Tout le monde connaît le pont sur la rivière Kwai, monument ferroviaire bâti par des prisonniers de guerre alliés et asiatique durant la seconde guerre mondiale, notamment grâce au film éponyme, film de guerre culte de son époque. Ici, nous retrouvons la Thaïlande et la Birmanie mais par le biais d’une approche radicalement différente. Le traumatisme de guerre est au centre du récit, inspiré des écrits d’Eric Lomax, officier britannique ayant été retenu prisonnier en 1942 par les japonais et torturé par le police militaire de l’armée impériale. Les voies du destin revient, signée Jonathan Treplitsky, revient donc sur un trauma, celui d’Eric, à qui l’on offre la possibilité de se confronter à son bourreau de jadis, bien des années plus tard. La victime et le tortionnaire réunis pour, dans l’entremise d’une guérison morale, tirer un trait sur un passé douloureux. Mais l’habilité du scénario pose une véritable question éthique. Qui des deux protagonistes souffre t-il le plus de son passé? La victime ou le bourreau?
Voilà donc une production britannique académique qui permet d’explorer les séquelles mentales d’une grande guerre ayant fait son lot de victimes, mortes ou vivantes. Le rôle de l’épouse, ici Nicole Kidman, dans la démarche de son mari, traumatisé et invivable, est crucial. L’actrice, qui n’en n’est pas à sa première apparition sous les traits d’une femme forte mais blessée, sert de moteur aux interventions d’un excellent Colin Firth, très convaincant malgré l’irritation que pourrait provoquer son tempérament très nombriliste. Le personnage est lunatique, consciencieux et, par-dessus tout, sacrément énigmatique. Passionné qu’il est des voies ferrées et des trains qui s’y déplacent, le bonhomme souffre d’un passé qu’il ne peut pourtant détacher de sa passion de toujours. Notons par ailleurs, le film se déroulant sur deux époques différentes, la guerre et l’après guerre, une bonne vingtaine d’années plus tard, que la corrélation entre Colin Firth et son double jeune, Jeremy Irvine, est excellente.
Malgré ses multiples qualités, auxquelles l’on pourra aisément ajouter la mise en scène léchée de Jonathan Treplitsky, le film peine à convaincre faute d’un manque de rythme évident. Si l’alternance entre présent et passé est judicieuse, l’enchaînement des séquences ne l’est pas toujours, notamment lors des apparitions du vétéran Stellan Skarsgard, personnage ronflant à la tête grosse comme une pastèque, archétype du sérieux militaire à la retraite, revanchard ayant la certitude de vendre du bon sens en poussant une victime à se venger. Mais Eric est bien plus subtil que ça. Le final nous le démontrera.
En somme, un film honnête, parfois lancinant, qui marque une petite page d’histoire inconnue du grand public. On apprend, aux détours de quelques échanges, quelques faits marquants de la conquête nippone des terres asiatiques, notamment sur leurs velléités de développer les axes ferroviaires entre l’Indochine et les Indes. Par ailleurs, bon nombre de séquences illustrant les conditions de vies des prisonniers de guerre sont très imaginatives, voire ingénieuses. Bon film, globalement, qui ne restera pourtant pas dans les annales. Mais c’est déjà ça de pris. 12/20