Comment un chinois romantique et un argentin cynique séparés par des milliers de kilomètres peuvent être amenés à se rencontrer ? C'est toute la magie d'El Chino, qui nous emporte dans une histoire aussi improbable que touchante, en faisant évoluer un duo d'acteurs qui fonctionne grâce à sa simplicité, et qui nous attendri tout en nous faisant rire.
D'un côté il y a Roberto, quincailler renfrogné, solitaire de la première heure, qui mène une vie structurée minute après minute et qui oscille entre manie chronique et cynisme incessant. Il ne rentre en contact avec le monde extérieur qu'à travers sa petite boutique, occupé à renseigner des clients qu'il déteste et à compter et recompter ses achats et ses ventes. Mais dès que le rideau tombe, que le panneau est retourné sur "Cerrado" il disparaît de la société, vivant comme un ermite dans une maison vide et sombre. Pourtant il y a cette femme, Mari, plutôt charmante et désireuse de le connaître d'avantage, qui essaie en vain de pénétrer cette porte close. Roberto n'y prête pas attention, s'appliquant à classer dans ses dossiers toutes les morts les plus incroyables qu'il peut lire dans les journaux, coutume principale de sa vie étrange.
Jun quant à lui a tout perdu, venu en Argentine pour retrouver une famille oubliée il se transforme rapidement en vagabond : Incapable de parler espagnol, empreint de maladresse, cette terre argentine à l'opposée de sa Chine natale lui fait l'effet d'un autre monde. C'est en rencontrant Roberto, plus ou moins par hasard, que le destin de ses deux hommes va changer. L'argentin a beau être solitaire et cynique, il n'en reste pas moins un être humain au grand cœur. Incapable de laisser ce chinois errer dans les rues, il va l'héberger, à ses risques et périls.
Le film prend donc une tournure humoristique inhérente au choc des cultures : Entre Roberto qui créer un calendrier de départ de manière brutale et Jun qui fait la poule en guise de carte du menu, leurs rapports sont véritablement hilarants. Néanmoins, pour un duo qui ne s'adresse pas la parole de manière directe, il y a cette relation étrange qui se noue. Une relation presque fraternelle, entre attention et rejet, entre amour et haine. Une complicité qui va ouvrir la voie à un renouveau pour les deux personnages. Roberto, malgré lui, va se mettre à vivre différemment et les quelques péripéties qui vont accompagner cet hébergement vont lui permettre d'y voir plus clair. En fin de compte, El Chino dévoile l'histoire de deux hommes meurtris, qui gardent leurs peines pour eux, chacun à leur manière, et qui vont essayer de comprendre le sens de ses peines, et tenter de les mettre derrière eux.
Les séquences s'enchaînent de manière très sobre, entre humour et tragédie, la réalisation accompagnant cette sobriété, certes quelque fois peu inspirée, mais si à l'aise pour représenter ce cadre intimiste. Les acteurs sont justes, ils dirigent les scènes à eux seuls, avec leurs regards, leurs expressions, et leurs gestes, qui transpirent de naturel. Une véritable interrogation personnelle sur un fond original, drôle et souple, qui rappelle à quel point le cinéma peut être simple et beau.