C'était plutôt de bon augure de voir Eric Rochant retâter du film d'espionnage, genre auquel il s'était déjà attaqué il y a presque 20 ans avec "Les Patriotes", son meilleur film à ce jour (l'excellent et bisseux "Total Western" étant hors-classement). Le problème, c'est que "Möbius" est en fait plus un film d'amour sur fond d'espionnage qu'un thriller sur fond de romance et qu'au final, aucun des deux genres ne donne vraiment satisfaction. Certes, c'est plutôt bien filmé et si on sait faire abstraction des énormes incohérences ou incongruités du scénario (l'agent russe qui a du mal a articuler dans sa langue natale mais qui manie le français comme Jean Dujardin et qui parle anglais avec l'accent de Bourg-la-Reine, le cadavre qu'on traîne dans les rues de Monaco sans qu'aucune des 350 caméras de vidéosurveillance au mètre carré ne s'en émeuve...), si on sait encaisser sans trop broncher un épilogue un brin ridicule (par bonheur, Cécile de France ne bave pas), on passe plutôt un bon moment. Malgré tout, le cocktail classicisme/modernité et le cocktail réflexion européenne/action hollywoodienne ne fonctionnent que par intermittences. Le décor hitchkockien, la Côte-d'Azur de "La Main au Collet" a, 60 ans plus tard, balayé le faste aristocratique et princier pour faire place nette à un bling-bling nouveau riche assez moche. Le petit jeu de manipulations entre russes et américains donne au film un côté Guerre Froide, mais en réchauffé et avec en toile de fond l'idéologie qui est finalement sortie haut-la-main vainqueur de cet affrontement : le pognon (ce qui pour le coup, là, est plutôt bien vu). Le casting aussi, fait les montagnes russes : à l'arrêt pour Tim Roth, assez effacé et qui se contente d'une vague ressemblance physique avec Roman Abramovitch pour incarner l'oligarque russe ; tout en haut pour Cécile de France qui rayonne du début à la fin du film ; et tout en bas pour Jean Dujardin. Bon, c'est sûr, voir Dujardin "sérieux", ça ne fait pas de mal mais son jeu consiste quand même quasi exclusivement à lever le sourcil de ci de là. Hormis une petite cascade (ouais, cascade, j'exagère un peu mais il doit quand même sauter d'un hélicoptère en marche sur un yacht en marche aussi, d'une hauteur d'au moins 20 centimètres !) dans la plus pure tradition de son idole Bebel (le Bebel de maintenant, donc, vu la cascade), il ne fait pas grand chose. Force est de constater qu'il le fait très bien.