On a beau avoir souvent répété son nom afin de l'invoquer à nouveau face à l'énorme ver de sable qu'était devenu ce projet de suite au bout de trente-six ans, le simple fait de revoir Michael Keaton en Beetlejuice était devenue une hypothèse si hautement improbable que, même aujourd'hui en s'asseyant devant un grand écran pour découvrir "Beetlejuice Beetlejuice", on se pince encore à l'idée de recroiser la route d'un des plus inoubliables trublions morts-vivants que l'imagination fertile de Tim Burton nous ait donné.
Évidemment, les craintes d'une suite tardive sans saveur et putréfiée dans la nostalgie mercantile à l'instar de bien d'autres récentes étaient bien là, sans parler du déclin du cinéaste Tim Burton, comme dans l'incapacité aujourd'hui de rivaliser avec le génie qu'il fut à une époque et trouvant refuge dans des longs-métrages où il paraît hélas n'être plus que l'ombre de lui-même, mais, dans tous les cas, on se devait d'assister au retour d'un "Beetlejuice" ressuscité et fer de lance du meilleur de ce que l'univers délirant du réalisateur pouvait avoir à nous proposer...
Et, à travers ce protagoniste, c'est bien sûr toute sa fantaisie gothique et de vieilles connaissances portant sa plus belle signature avec lesquels on est instantanément invité à renouer. Se permettant d'ailleurs d'y aller plus franchement dans la découverte de cet au-delà (comptant sans doute sur notre acceptation de sa folie induite par le premier film) en parallèle de nos retrouvailles avec la famille Deetz (quel plaisir de revoir Winona Ryder et Catherine O'Hara dans ses rôles taillés pour elles !) ainsi que notre introduction à son nouveau visage le plus juvénile incarnée par Jenna Ortega, "Beetlejuice Beetlejuice" traduit clairement l'envie d'un réalisateur de s'amuser avec ses acquis, que ce soit par l'entremise d'un Michael Keaton lui aussi en grande forme dans la reprise de son rôle culte, de savoureux petits gags morbides dans des limbes que l'on croirait n'avoir jamais quittés, des pastilles animées/en film rétro/et plus ou une géniale séquence de "recomposition" de corps au son du "Tragedy" des Bee Gees faisant la part belle à Monica Bellucci, nouvelle compagne et muse du cinéaste.
Cependant, le bonheur de retrouver un Tim Burton manifestement ragaillardi par ses propres racines va vite laisser place au sentiment que l'exposition de "Beetlejuice Beetlejuice" s'éternise bien plus que de raison, comme si, même après tout ce temps, le film lui-même ne savait pas vers quoi se diriger comme intrigue. Et, malgré des choses toujours drôles en vu étayer cet univers (comme notamment cette police d'outre-tombe emmenée par un parfait Willem Dafoe), cette suite va faire un étonnant sur-place sur les nouveaux rapports de sa famille héroïne, présentés assez grossièrement en mode miroir du premier film, sans donner l'impression d'avoir un cap à embrasser. L'antagoniste interprété par Monica Bellucci va ainsi errer (pour, au final, ne cesser de confirmer l'artificialité de son rôle) à l'arrière-plan d'un agglomérat de saynètes temporisant la rencontre entre vivants et morts tant attendue. Le petit twist qui déclenchera celle-ci ne sera pas si bête en soi mais ses conséquences le résumeront rapidement à un prétexte futile engendrant une cavalcade dans l'au-delà certes génératrice de sourires mais manquant tout de même cruellement de consistance pour emporter notre totale adhésion.
Heureusement, pour rattraper ça, Tim Burton va livrer un ultime feu d'artifice sous forme d'un long et fabuleux numéro musical où toute l'absurdité de son univers vient quitter ses abysses pour s'immerger dans le nôtre, dirigé par son grandiloquent serveur de jus de cafard en chef au gré d'une partition aussi jubilatoire qu'irrésistible envers des protagonistes qui, comme nous, ne peuvent que s'y laisser entraîner.
Ce ne sera sans doute pas assez pour que "Beetlejuice Beetlejuice" se défasse du caractère anecdotique ayant gouverné l'ensemble de son récit mais cela se révélera néanmoins suffisant pour démontrer que le cadavre de son diablotin a encore de belles secousses à produire... Tout comme voir un Tim Burton aussi en forme au milieu de son imaginaire n'est définitivement pas le signe qu'il soit mort et enterré lui aussi.