À mes yeux (mais j'imagine que je ne dois pas être le seul), voilà maintenant plus ou moins 15 ans que Tim Burton a perdu de sa superbe (et ne parlons pas de son Âge d'Or, qui remonte à 25 ans) et ne nous a plus proposé d’œuvres véritablement marquantes et qualitatives, nous livrant plus souvent des films relativement aseptisés, manquant d'une folie et d'une créativité certaines.
Et ce n'est pas cette suite tardive (36 ans quand même !) de l'un de ses films les plus connus (et son 2e long-métrage en tant que réalisateur) qui risque de changer la donne.
S'ouvrant sur le thème (réactualisé) de Danny Elfman et un long plan en fondus enchaînés, très similaire à celui du premier volet, cette suite fait revenir certains protagonistes principaux du film de 1988 (Michael Keaton, Winona Ryder, Catherine O'Hara et Jeffrey Jones...enfin presque pour ce dernier), tout en y intégrant de nouveaux venus (comme Jenna Ortega, Justin Theroux ou encore Willem Dafoe).
Voir Burton revenir titiller le cinéma de ses débuts et réveiller à nouveau son démon favori aurait pu promettre un chouette moment de cinéma (à défaut d'une grande œuvre), délirant et plus décomplexé que ce qu'il nous a proposé ces nombreuses dernières années. Malheureusement, il n'en est pas grand-chose au final.
Alors oui, Michael Keaton nous rejoue le démon obsédé et manipulateur avec un plaisir communicatif (d'ailleurs, le film marche le mieux quand lui est à l'écran).
Et oui, Burton nous replonge dans une esthétique travaillée et assez inventive, privilégiant les effets pratiques à l'ancienne, avec entre autres sa galerie de créatures bizarroïdes et de décédés en tous genres, étend un peu plus son univers de l'Après-vie (avec son "Soul Train" notamment) et nous propose quelques idées horrifico-décalées de son cru (le bébé Beetlejuice, la séquence flash-back, la séquence maritale et musicale).
Des points positifs donc, mais coincés à l'intérieur d'un film qui manque clairement de caractère et d'audace.
Cette suite déroule son histoire sans trop savoir ce qu'elle voudrait vraiment nous raconter, et tout ça sur un rythme des plus laborieux et redondant, comme si le film se retenait et n'osait pas se lancer et lâcher prise.
Il faudra attendre presque 1 heure avant que celui-ci ne bascule et passe enfin la seconde. Et même là, je m'attendais à quelque chose de plus entraînant.
Burton y lance des pistes narratives intéressantes, mais soit les fait très vite passer au second plan (Delores, ancienne compagne de Beetlejuice et dévoreuse d'âmes (et incarnée avec une certaine classe par Monica Bellucci, la compagne de Burton), qu'on ne voit pas plus de 10 minutes tout au long du film), soit s'en débarrasse comme ça, sans prévenir (l'autre antagoniste du film qui, d'un coup de manette magique, finit aux enfers), soit en fait un simple Deus ex machina (les retrouvailles avec le père disparu).
Une suite abordant la famille, le deuil et l'héritage, mais de manière prévisible et peu convaincante.
Burton nous livre possiblement son film le plus "Burtonien" depuis un moment, mais ce dernier est encore plus révélateur d'un constat qui se confirme définitivement ici (surtout en le comparant à son prédécesseur) : le Tim Burton inspiré et impertinent que j'ai connu n'est plus.
Son cinéma s'est assagi, s'est lissé (à l'image de ce "What the fuck ?!" bipé), sans grande saveur ni mordant. Il se laisse gentiment regarder, mais n'est plus transcendant ni véritablement incarné.
Et ce «Beetlejuice Beetlejuice», plus proche d'un «Mercredi» (les scénaristes de cette suite sont les créateurs de la série, donc pas très étonnant) que du premier volet de 1988, et laissant un certain sentiment d'indifférence à l'issue de sa projection, en est (encore) une très bonne illustration, malheureusement.