Réadaptation pachydermique d’une œuvre écrite d’un siècle révolu par Arnaud Des Paillères, cinéaste qui, contrairement à d’autres de ses collègues, ne sait pas raconter une histoire en y imposant un rythme lent. L’ennui apparaît dès le premier quart d’heure pour ne plus nous lâcher la bride, alors que le scénario d’assombri et que les lacunes de mise en scène se multiplie. Indéniablement prétentieuse d’avantage qu’ambitieuse, cette nouvelle mouture de la révolution du seigneur Michael Kohlhaas est pour le moins incomestible, difficile à appréhender autant qu’à apprécier. Convaincu d’élaborer une lecture contemporaine d’une multiplication de faits historiques complexes, Arnaud Des Paillères signe une indigestion filmique qui eu quand même l’honneur de concourir lors du dernier festival de Cannes. Qu’aucun prix ne lui ait été discerné semble être la moindre des choses.
Pire encore et malgré le respect que m’impose Mads Mikkelsen, difficile de ne pas s’énerver devant la prestation d’un acteur qui s’évertue tant bien que mal à déblatérer en français alors qu’il ne comprend pas un mot de la langue de Molière. Oui, les répliques peinent à sortir naturellement, ne le font jamais, du fait que l’acteur parle phonétiquement face à la caméra. Qu’un acteur aussi qualifié et talentueux s’incruste dans ce genre d’aventure tient de la surprise notoire, hormis lorsque l’on pense à la notoriété du danois sur la Croisette. Que Mads Mikkelsen ne soit pas à sa place ne change rien au fait qu’il domine un casting insignifiant qui voit même le vieux roublard qu’est Bruno Ganz se tordre les chevilles dans les méandres d’un scénario mal agencé.
Pourtant, l’attrait d’un Western médiéval n’était pas négligeable. Une dissertation convaincante et parfaitement limpide sur les subtilités de l’appréciation de la justice au Moyen-Age pouvait permettre la livraison d’un film qui compte, qui explique et qui documente le public qui prend le temps de s’y intéresser. Ici, l’eau trouble dans laquelle nage les pages du script empêche toute approche narrative satisfaisante, le tout étant lourdement handicapé par une lenteur qui n’est ni artistique ni profitable à la vision du film. Désolant de lourdeur, de manque de naturel et surtout de limpidité, Michael Kohlhaas, version 2013, est un échec.
L’exemple même d’un film désobligeant qui confirme l’incapacité de certains metteurs en scène prétentieux à savoir raconter une histoire. Détournant l’œuvre écrite en la transposant en France, prenant le parti de faire de son film un objet contemplatif inerte, Arnaud Des Paillères loupe le coche et ne sera finalement applaudi des deux mains que part quelques critiques blasées qui recherche dans le cinéma de genre hexagonale l’équivalent du travail mutique et féérique d’auteur tel que Nicholas Winding Refn, notamment. Détestable cinéma que voilà, d’autant plus détestable qu’il entraîne dans sa chute l’un des meilleurs acteurs européens du moment. A oublier sans tarder, si ce n’est pas déjà fait. 03/20