Arnaud DES Pallières, Heinrich VON Kleist, on est dans l'aristo, le classe, le coincé. J'rigole! Mais il est vrai que ce beau film a un côté un peu raide. On sent que les références du réalisateur sont lourdes: Ingmar Bergman, voire Carl Dreyer.... En tous cas, on ne peut que le féliciter d'avoir mis en images ce récit de Kleist, dont Volker Schlöndorff s'était déjà emparé (mais je n'ai pas souvenir que le film ait été distribué en France).
Michael Kohlhaas est un marchand de chevaux prospère, il aime sa femme (Delphine Chuillot), il a une très jolie petite fille (Mélusine Mayance). Un jour, partant à la foire avec plusieurs bêtes, il est arrêté par une barrière. Le jeune baron du coin a décidé, de façon tout à fait illégale, d'imposer un droit de passage. Kohlhass doit laisser en gage deux chevaux, et un valet. Lorsqu'il revient, le valet a été à moitié dévoré par les chiens du baron, et les chevaux amaigris, blessés ont été manifestement maltraités. Pour cet homme rigide, il n'y aura de paix que lorsque justice aura été faite: les chevaux doivent être rendus en état. Il nous fait penser à l'héroïne du film de Zhang Yimou, "Qiu Ju, Une femme chinoise", qui conduit sa famille au désastre pour avoir voulu qu'on reconnaisse son bon droit. Même inflexibilité, même obstination suicidaire.
Les plaintes en justice de Kohlhass sont rejetées: le baron a des relations. Sa femme part plaider sa cause auprès de la princesse de Navarre, Marguerite d'Angoulème. Elle revient gravement blessée -et meurt. Le révolté fédère alors une véritable armée de paysans, aux règles drastiques (pas de vol, pas de pillage) qui met la région à feu et à sang. La princesse va envoyer auprès de lui un prédicateur (Denis Lavant) pour tenter de raisonner ce bon chrétien, au nom du devoir d'obéissance: rien n'y fait -et le prédicateur repartira sans lui avoir donné l'absolution. Je ne vous raconte pas la fin -mais la dernière scène est époustouflante.
On a le plaisir de retrouver ce cher Bruno Ganz dans un personnage épisodique. Le charismatique Mads Mikkelsen prête magnifiquement son opacité naturelle au héros. Les austères paysages des Cévennes accueillent l'action dans leurs amples perspectives. Le travail de ce réalisateur plutôt marginal est magnifique, mais en même temps cette recherche d'esthétisme, cette lenteur revendiquée, cet hermétisme finissent par glacer le film: singulièrement, il manque d'humanité, et même d'émotion. Et c'est un peu dommage. Mais à voir, bien sûr, c'est si rare de trouver sur nos écrans un film d'une telle exigence! Tenez, je suis sûre que vous avez des ados que vous ne savez pas comment occuper en cette dernière semaine de vacances: envoyez les au cinéma! C'est pour eux. Surtout s'ils sont fans de Game of Thrones.....
Je me suis demandée à quelle race appartenaient les deux chevaux noirs (le très beau gris à longue crinière est peut être un lipizzan?). Quelle beauté! quels magnifiques animaux! En tous cas, vous aurez plus de plaisir à contempler leurs superbes croupes lustrées que le maigre fessier étique de Marina Vacth....