Finalement la seule fois où Emilie Duquenne est seule dans le cadre c’est lorsque dans une scène terrible où elle laisse éclater son désespoir en chantant un morceau de Julien Clerc. Elle sera seule face au gouffre. La musique du film dès le début donne une tonalité funèbre au film. C’est une lente marche, procession mortuaire. Là où on pourrait rétorquer qu’il n’y a pas de mise en scène, parce que pas de travelling, pas de panoramique, pas de caméra qui virevolte, c’est là dans la concentration des plans sur les personnages, qui rendent l’étouffement mental dans lequel peu à peu est précipitée Murielle. Ce que pourrait dire le personnage, à sa psy, on le devine, on le sait même, et ça sans scène explicite. Donc l’intérêt n’est pas de deviner ce qui l’a poussé à ce crime affreux d’infanticide, mais dans l’extrême empathie et sensibilité avec lequel le sujet est traité : c’est de l’humain, il n’y a pas de machination, ce n’est pas Rosemary Baby, et ce que le film ramène, comme une vague qui vient caresser la plage et se retire, c’est un portrait de femmes marocaines, avec leur culture, et de occidentaux : on ne peut pas passer à côté de cet effroi que distille Niels Arestrup, une forme de néocolonialisme, immonde, très profonde, ancrée, c’est un personnage joué qui dit beaucoup, mais dont le for intérieur est d’une inexplicable noirceur, sous couvert d’une civilité et d’une bienveillance, un type que tout le monde voudrait avoir comme docteur, mais ce qu’il est en bien, verse dans sa face sombre : sa part maudite.