Depuis mon premier visionnage il y a 6 mois ce film me revenait souvent en mémoire, véritable OVNI du cinéma d’épouvante Resolution n’est certainement pas à prendre à la légère, il n’est nullement ici question d’un quelconque thriller comme le pitch et l’affiche le laisse imaginer, non, ce long métrage est bien plus que cela ...
Michael reçoit un mail contenant une vidéo montrant son meilleur ami Chris en plein délire sous méthadone, il prend la décision de l’aider à se désintoxiquer et le rejoint dans son squat en pleine forêt pour le sortir de son isolement et le convaincre d’aller en cure. Il réussit dans un premier temps à le menotter tout en éloignant les dealers, seulement des événements étranges se produisent, Michael trouve par hasard des bobines et diapositives sordides semblant raconter le passé des lieux, une malédiction qui se tourne dorénavant sur les deux hommes.
Pour leur coup d’essai les réalisateurs Justin Benson et Aaron Moorhead choisissent le parti pris de la caméra à l’épaule, au premier abord ce principe révèle un manque de maitrise évident, certains plans trahissent la pauvreté technique et budgétaire, c’est le principal défaut du film car il est difficile de le prendre réellement au sérieux tellement il respire le DTV à deux sous. Cependant cette imperfection se transformera à certains moments en qualité compte tenu de l’idée du projet, c’est à dire de faire du spectateur un élément à part entière, il est clair que ce sentiment curieux d’épier les protagonistes est troublant, comme si nous étions une entité spectrale voyeuriste se déplaçant dans l’espace, il est d’ailleurs dommage que le film n’insiste pas là dessus mais je comprends qu’il aurait été difficile de rendre de longs plans séquences, en tout cas il aurait gagné en cohérence.
Un film dans un film, briser la logique et le quatrième mur pour plonger à corps perdu dans le paranormal avec un degré plus ou moins réaliste, demeurent quelques effets de style paraissant froisser et brûler la pellicule en plus d'un esthétisme souvent entretenu, le mystère s’épaissit de minute en minute pour nous envoyer dans un jeu de pistes quasi indéchiffrable. Les dialogues dénotent une certaine simplicité en adéquation avec la mise en scène, les acteurs ne sont pas toujours ultra convaincants mais si on prend en compte l’amateurisme assumé l’interprétation reste globalement très acceptable. Le thème de l'amitié fragilisée par le temps et les circonstances entre ces deux potes d'enfance est d'ailleurs plutôt bienvenu, les rendant tout à fait attachants et assignés de caractères dûment établis (le modèle de réussite et l'autodestructeur affrontant l'avenir), ça fonctionne.
Un des intérêts principaux réside dans le climat et l’ambiance des lieux, le côté mystique de la forêt et des grottes environnantes m’a quelque peu rappelé Twin Peaks, une menace invisible rôde, l’air est dense et la délimitation entre la tangibilité et le pur cauchemar se retrouve irrémédiablement étroite. Le point d’orgue arrive lors de cette séquence extrêmement scotchante de la rencontre avec le chercheur français dans la caravane, un type à la tronche de Jürgen Prochnow, inquiétant à souhait tendant un miroir vers Michael pour accoucher d’un plan qui résume l’idée même du film, la mise en abîme du format où les personnages en sont prisonniers, se questionnant sur la conclusion de cette histoire. Le long métrage se termine au fil des éléments matériels retrouvés, Michael et Chris en sont dépendants pour se guider et y trouver leur destin, le fameux dénouement arrive et laisse littéralement sur le c**, sans doute une des fins les plus mindfuck qui soit, les théories peuvent/doivent se montrer nombreuses et abracadabrantesques.
Perso j’y vois l’apparition de Satan lui même en hors champ venu réclamer son dû (l’âme de Chris se prosternant devant lui après avoir détruit son addiction aux drogues), une allégorie de nous, spectateur, ironisant sur notre propre désir d’y trouver enfin une conclusion en bien ou en mal ("désolé … on peut trouver une autre fin ?"). Le contre-pied est total, dans la droite lignée de celui du Projet Blair Witch.
Resolution s’inscrit au rayon des pépites du registre épouvante/horreur, un film relativement singulier avec une réelle ambition conceptuelle, Benson et Moorhead proposent leur vision de l’enfer sur Terre, des relations humaines, de la fatalité et du paranormal qui soupire dans notre perception du réel, le résultat n'est pas exempt de tout reproche mais les intentions sont belles et bien là.