Non distribué en salles car destiné au nouveau marché du E-Cinéma, The Gambler, soit le flambeur, de Rupert Wyatt, remake d’un film éponyme, ne brille pas foncièrement sur tous les plans. Découvert par surprise, ce petit morceau de bravoure philosophique n’entend pas nous mener facilement vers sa sortie, tortueux à souhait du fait notamment qu’il soit une adaptation d’un roman particulièrement corsé. En dépit des apparences, donc, le film du réalisateur du premier épisode de la nouvelle franchise de la Planète des singes, pour mémoire, n’est en aucun cas ce film populaire, bon enfant, que nous laisse présager sa bande annonce ou les concepts de ses affiches promotionnelles. Il est question ici d’existentialisme, de trouver sa vérité propre en touchant le fond du fond, ce qu’entreprend l’accro au jeu dont on parle ici. Convaincu d’avoir manqué une bonne part des réjouissances de sa vie sur terre, notre prof de littérature, ne semble que s’acharner à s’endetter auprès du gangster et autres individus peu fréquentables dans le seul but de se prouver sa force morale. Délicat à mettre en scène, ce postulat n’en demeure pas moins l’unique motif de cette nouvelle adaptation, métaphorique à souhait.
Alors que le projet est passé, depuis quelques années, de mains en mains, les noms de Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio ayant été évoqués, c’est finalement vers un artisan de cinéma plutôt méconnu que se tourne la production. Rupert Wyatt, réalisateur prometteur, s’emploie à ne pas faire basculer son film ni dans la facilité ni dans les travées psychologisantes d’un vrai drame russe. S’il ne s’en sort finalement pas trop mal, c’est bien là la marque d’une parfaite entente entre le metteur en scène et son acteur premier, Mark Wahlberg. Ce dernier, émacié, bien plus expressif qu’à l’ordinaire, tente par-dessus tout d’exister dans le costume de ce drôle de personnage, protagoniste anticonformiste et absurde de par son comportement autodestructeur mais rédempteur. Le bonhomme, dont le but n’est clair qu’en fin de visionnage, est un fantôme errant sur le spectre de sa vie passée, motivé seulement par une potentielle résurrection d’estime, s’appliquant à ce que le sort s’acharne sur lui pour se prouver son génie moral. Drôle d’histoire.
Pour se mettre dans la panade, le bonhomme contracte des masses de dettes auprès de truands, Michael K. Williams et l’imposant John Goodman, notamment. Ces tronches de cinéma s’amusent ici au petit jeu du charisme, amusant pour l’un, pas convaincant pour l’autre. Les belles paroles fusent, les échanges métaphoriques ou philosophiques sont légions et l’on se perd bien vite en conjecture, malgré les bonnes intentions. Le final s’avère finalement convenable, sympathique, mais il faudra, pour en arriver là, passer par l’errance et le manque d’intérêt. Heureusement, l’ensemble est toujours rattrapé par une mise en scène plutôt soignée, celle-ci étant l’œuvre propre d’un réalisateur qui semble à l’aise techniquement.
Pas franchement nécessaire, ce remake n’est finalement qu’un film bavard parmi tant d’autres. Il permet à certains talents de s’exprimer, il permet à des acteurs de sortir le temps du tournage de leur train-train quotidien, le Blockbuster pour Mark Wahlberg, mais ne tient qu’en toute petite partie ses promesses. 09/20