Malgré quelques maladresses et un rythme assez inégal (surtout la fin qui traîne un peu en longueur), j'ai beaucoup aimé ce film. Tout d'abord, à cause de la Donzelli-touch. Comme pour La guerre est déclarée, la réalisatrice casse les codes traditionnels du cinéma : BO innovante, mise en scène décalée, jeu d'acteur très "brut de décoffrage", narration aléatoire, son cinéma est définitivement différent. Ne vous attendez pas à voir une romance traditionnelle, car ici, tout est filmé sous un angle burlesque, inattendu. Et pourtant ça fonctionne, on finit par croire à ce couple totalement improbable dont la rencontre initiale sonne pourtant terriblement faux. On est étonnés, parfois hallucinés par autant d'audace, d'idées loufoques, qui peu à peu prennent pourtant du sens pour former une oeuvre cohérente. Car c'est là toute la force de ce film : son propos réel est masqué par le pitch initial, largement mis en avant dans la bande annonce, mais qui n'est qu'un prétexte. On ne réalise qu'à mi-film (grâce à une scène clé, qui modifie complètement la perspective de l'histoire) où la réalisatrice veut en venir, et ça devient du coup très subtile. Je mets la suite de ma critique en spoiler car je voudrais être plus explicite :
Comme pour la Guerre est déclarée, on sent bien que Donzelli et Elkaïm s'impliquent personnellement dans le film, et l'utilisent comme une forme de thérapie. Car le scénario, contre toute attente, n'est pas centré sur l'Amour, mais clairement sur la séparation : la "pathologie" grand-guignolesque dont souffrent les deux héros apparaît soudainement comme un prétexte pour aborder le thème délicat de la rupture d'un couple. Bien évidemment, la véritable histoire de l'acteur et de la réalisatrice apparaît constamment en filigrane, alors qu'ils jouent le rôle d'un frère et d'une soeur liés par un rapport fusionnel. Mais c'est bien d'eux dont on parle, au travers de la romance de ce miroitier et de cette prof de danse qui s'apprécieraient tellement plus s'ils n'étaient pas collés ensemble... "Comment se séparer pour continuer à s'aimer ?", voilà le vrai propos du film, distillé de manière ambigue et subtile, entre deux moments loufoques et souvent très légers.
On change alors totalement de regard sur le film, et on réalise toute sa puissance : en dire tant sans être explicite, amener le spectateur à une profonde réflexion en ayant l'air de ne pas y toucher. Mais c'est très efficace, et c'est loin d'être bâclé.