"Quand j'ai lu le scénario, je me suis dit que je ne voulais pas tourner ça." Ces belles paroles viennent du réalisateur de "La Grande Muraille", Zhang Yimou.
Ben, il l'a pourtant fait, ce grand nigaud ! Avec, en plus, l'approbation de son gouvernement et une volonté d'en faire le fondement d'une saga qui transmettrait "les vertus chinoises de bravoure, d'abnégation et de sacrifice" à travers le monde.
C'est beau... Mais est-ce que tout cela est une raison bien valable d'aller voir Matt Damon (et son joli petit chignon) balancer des ribambelles de flèches sur tout un tas de bestioles vertes du haut des remparts de la Muraille de Chine ?
Le plus célèbre réalisateur chinois nous livre donc ce premier vrai représentant d'une nouvelle génération de blockbusters amenés à se développer : les coproductions sino-américaines visant à rafler un maximum de dollars/yuans sur leurs marchés respectifs. Prenez une star 100% américaine (Matt Damon donc), placez-la au coeur d'une intrigue prétexte à tous les délires habituels des blockbusters chinois (des batailles moyenâgeuses dantesques, de la voltige dans les airs et des créatures à faire tomber à la renverse n'importe quel zoologiste sain d'esprit) mais pas trop pour ne pas bouleverser le potentiel spectateur occidental et, hop, vous obtenez un produit purement commercial à gros budget avec son lot de scènes spectaculaires mais complètement dénué de surprise !
En effet, de ce point de vue, "La Grande Muraille" fait aussi bien que les blockbusters purement américains (voire même mieux que certains récemment) en remplissant pleinement son objectif de proposer un divertissement qui sait en mettre plein la vue quand il le faut tout en ne créant jamais la moindre once d'ennui (les 1h40 passent à la vitesse de la lumière).
Seulement, il s'en approprie aussi hélas tous les majeurs défauts : une trame scénaristique rachitique où deux occidentaux, venus voler le secret de la poudre aux civilisations asiatiques, se retrouvent en plein conflit séculaire entre l'armée impériale et des meutes de dragons-aliens voulant traverser la Grande Muraille pour envahir la capitale... et c'est quasiment tout; des personnages caricaturaux à souhait quand ils ne sont pas transparents (le héros égoïste qui épouse les valeurs altruistes de l'autochtone, la jolie générale prétexte à un semblant d'amourette, le traître veule, le tout jeune soldat maladroit mais courageux,... tout est là dans un premier degré total) et surtout des seaux de couleuvres à avaler à la chaîne tant "La Grande Muraille" multiplie les énormités à se faire sortir les yeux de la tête au papier de verre.
Comment diable les soldats peuvent-ils bien gagner la première bataille vu qu'ils sont submergés de partout ?? Seules deux ou trois bestioles parviennent aux remparts alors qu'elles sont des milliers à escalader !! Ou encore pourquoi n'utilisent-ils pas leurs armes plus puissantes de suite pour annihiler les monstres en une fois ?? En des siècles de guerre, il n'y a vraiment personne qui a eu l'idée d'en capturer un pour l'étudier, il fallait vraiment la présence d'un Matt Damon pour cette illumination ?? Bref, les réponses à ces questions feront elles aussi partie des légendes anciennes...
Enfin, comme si cela ne suffisait pas, "La Grande Muraille" tombe souvent dans le côté kitch des grosses productions asiatiques avec des effets spéciaux inégaux, des idées un peu bizarres (les corps de régiments colorés façon Power Rangers) ou une volonté de trop en faire à la fois généreuse et ridicule (la virée dans les airs).
Malgré ces grosses lacunes, on ne peut pas dire qu'on passe un désagréable moment devant "La Grande Muraille", loin de là même, il est juste dommage que l'association blockbusterienne de ces deux puissances mondiales ne débouche que sur un produit si lisse, si oubliable, si calibré, si... pas grand chose en fait.