Précédé d’une excellent bouche à oreille et de critiques très élogieuses, le dernier Pixar est d’une inventivité et d’une subtilité qui impressionne l’adulte (restée enfant dans sa tête) que je suis. Déjà, moi, l’idée de départ me plait. Imaginer des petits bonhommes dans ma tête qui actionnent les manettes de mon humeur, çà m’amuse. J’étais donc déjà à moitié convaincue avant d’entrer dans la salle ! Mais franchement, je ne m’attendais pas à ce que ce soit traité de manière aussi intelligente. Bien-sur c’est drôle, souvent même très drôle surtout qu’en version française c’est parfaitement doublé par Charlotte le Bon, Gilles Lellouche, Mélanie Laurent, Pierre Niney et Marilou Berry (rien que du très bon et on sent qu’ils s’amusent comme des petits fous avec leurs personnages !). Le film dure presque 1h40, çà passe tout seul, il n’y a pas de longueurs, pas de scènes « obligées », pas de chansons (merci !), le rythme est effréné et surtout : il y a une idée par minute, souvent bonne, parfois carrément géniale. Le scénario est formaté pour plaire aux petits avec des gags accessibles de 6 à 99 ans, mais aussi et surtout il manipule des concepts forts et avec intelligence. Le film conceptualise la vie intérieure de tout à chacun comme un centre névralgique qui aliment en souvenirs (bons, mauvais, mélangés) des « villages » en perpétuelles évolution, celui de l’amitié, des bêtises, de la famille, etc… Mais le scénario fait voyager Joie et Tristesse à travers des concepts plus pointus comme l’inconscient, le monde de l’imaginaire, le monde de l’abstraction, la production des rêves (métaphore d’Hollywood), la mémoire à long terme, l’oubli, etc… Avec le recul, on se dit que c’est un sacré pari que remporte Pixar, celui de dessiner de manière ludique et accessible aux enfants les méandres de la pensée, le fonctionnement de la conceptualisation, presque une ébauche de la psychologie humaine. Et la morale de tout cela, au bout du compte, n’est pas cul-cul la praline du tout : pour grandir, il faut accepter de composer avec des sentiments mélangés, la Tristesse aussi peut faire avancer, on doit accepter qu’elle puisse aussi teinter les autres sentiments. C’est en acceptant cela qu’on grandit, qu’on surmonte les épreuves et c’est un message incroyablement subtil et intelligent apporté aux enfants sur un plateau. Là où on pouvait craindre un jeu de pouvoir caricatural entre des sentiments sans nuances, on a au contraire quelque chose de très délicat. Derrière la farce animée se cache une sensibilité et une hauteur de vue assez bluffante, je le répète. J’ai beau chercher, je ne vois qu’un seul petit défaut à « Vice Versa » : il est précédé d’un court métrage très moyen, une histoire d’amour chantée entre deux volcans trop longue, trop cul-cul, avec une chanson en français à la limite du supportable ! Mais passé ces quelques minutes, la magie opère à plein sur les petits, les grands, les petits qui veulent être déjà grands, les grands restés petits dans leur tête, tout le monde quoi… ! Après tout c’est bien normal, tout le monde doit composer en permanence avec ses pensées, ses humeurs, ses sentiments, logique que « Vice Versa » résonne en chacun de nous… Un conseil pour finir, ne quittez pas la salle trop vite. Le générique de fin nous fait voyager dans la tête des institutrices, des chauffeurs de bus mais aussi des chiens et surtout des chats ! Et maintenant que j’ai vu comment fonctionne l’intérieur du cerveau des chats, je comprends mieux pourquoi ils sont si bizarres, parfois…