Après nous avoir abreuver de petites merveilles ("Toy Story", "Monstres et Cie", "Ratatouille", "Wall-E"…), Pixar connaît, depuis quelques années, un coup de mou artistique initié par "Cars 2" et qui commence à un peu trop durer. Je n’avais, donc, pas plus prêter attention que ça à son nouveau projet "Vice Versa", censé personnifier les émotions humaines par le biais de petits bonhommes pelucheux et colorés, qui commanderaient notre cerveau… jusqu’à ce que je vois l’extraordinaire premier teaser. Dès lors, j’ai eu le fol espoir que Pixar ait, enfin, retrouvé son génie d’antan… et je n’ai pas été déçu. Car, soyons clair, "Vice versa" est une petite merveille de drôlerie, d’émotion et d’intelligence ! On ne dira jamais assez de bien de la qualité visuelle et, surtout, des extraordinaires personnages que Disney nous réservent régulièrement. Et quelle grande idée ici, d’avoir condenser la personnalité humaine en cinq émotions (Joie, Tristesse, Peur, Dégoût et Colère) en poussant aussi loin le souci de personnification. Tout est génial dans ces personnages, que ce soit leur look (qui devrait assurer les belles heures du Disney Store pendant quelques temps), leur dialogues ou leurs interprètes (Charlotte Le Bon, Marilou Berry, Pierre Niney, Mélanie Laurent et Gilles Lellouche). Mine de rien, ces cinq personnages et leur interaction définissent, de façon quasi parfaite (ou, à tout le moins, de façon particulièrement abordable) ce qui construit une personnalité… ce qui n’était pas forcément aisé, surtout dans un dessin animé grand public. L’univers créé pour l’occasion est, également, ahurissant de créativité et, surtout, de pertinence.
Du quartier cérébral à la création et l’exploitation des souvenirs (avec leur code couleur) en passant par les différentes îles de personnalités ou le gouffre où sont jetés les souvenirs oubliés,
tout paraît d’une redoutable simplicité, voire d’une incroyable évidence… ce qui permet d’apprécier d’autant plus l’histoire. A ce titre, rarement un dessin animé n’aura réussi à aussi bien associer l’humour et l’émotion, en soignant, à ce point la forme. Difficile de ne pas rire aux éclats devant les références tellement criantes de vérité à la vie de parents
(le repas de Riley bébé et son dégoût pour le brocolis, le repas du soir où les trois cerveaux réagissent à leur manière…)
ou aux souvenirs d’enfance (
les clowns d’anniversaire ou l’aspirateur de mémé comme symbole de terreur, l’effacement des souvenirs inutiles comme les numéros de téléphone ou les leçons de piano, l’hilarante création des rêves…).
Difficile, également, de ne pas avoir une petite larme à l’œil lorsque
s’écroulent les différentes îles de personnalités (à commencer par l’île des bêtises), lorsque Bing Bong, l’ami imaginaire disparaît définitivement dans un ultime sacrifice ou lorsque le rôle de Tristesse est, enfin, compris
. L’alternance de ces moments de joie et de tristesse illustre, d’ailleurs parfaitement le propos du film qui, certes, parle du passage de l’enfance à l’adolescence (avec les transformations que cela suppose) mais qui rappelle, également, que
la tristesse ne doit pas être refoulée et doit, au contraire, s’exprimer dans un souci d’équilibre entre les émotions
. On a, d'ailleurs, rarement vu une représentation aussi juste et originale de
la nostalgie (les souvenirs heureux teintés de tristesse)
. Il en est de même pour le final
(qui voit les souvenirs être dorénavant panachés et non plus monochromes)
qui illustre le passage des sentiments primaires l'enfance aux
sentiments plus nuancées voire tourmentés de l'adolescence
. "Vice Versa" s'impose, donc, comme une petite merveille, à la fois hilarante et touchante… qui, ultime bienfait, donne envie d’être un meilleur parent. Pixar a réussi un nouvel exploit. Espérons qu’il ne s’agisse pas que d’un sursaut sans lendemain…