Pixar renoue avec son originalité de la fin des années 2000, qui avait fait merveille dans Ratatouille, Wall-E ou Là-haut, et qui s'était, depuis, plus ou moins diluée dans des prequels ou sequels commerciaux. Ce Vice Versa repose à la fois sur une histoire toute simple (un récit d'enfance classique, une perturbation liée à un déménagement) et sur un concept ambitieux et audacieux, celui de mettre en images les émotions et la psychologie d'une jeune fille, par le biais de personnages imaginaires et symboliques (Joie, Tristesse, Peur, Colère et Dégoût). Des personnages qui évoluent dans un univers mental aux allures de station spatial psychédélique... Où les souvenirs sont des boules de couleur. Où les valeurs et centres d'intérêt sont représentés par des îles suspendues. Où l'imagination travaille comme un studio de cinéma (super mise en abyme !). Où la pensée file à la vitesse d'un train, entre les bibliothèques de la mémoire à long terme, les territoires obscurs de l'inconscient et la dimension nouvelle de l'abstraction. Cette mise en images est formidablement ingénieuse et foisonnante. Drôle et sensible. Pertinente, en restant ludique. Et comme souvent, chez Pixar, le double niveau de lecture fonctionne bien. Un niveau coloré, rythmé, placé sous le signe de l'aventure et de l'empathie, pour séduire les plus jeunes. Un niveau allégorique, documenté et référencé en matière de psychologie, plus accessible aux adultes. Chapeau pour cette inventivité narrative et conceptuelle, pour ces correspondances habiles entre le monde intérieur de la fillette et le monde extérieur. Et chapeau, globalement, pour ce mélange constant d'intelligence, de folie et de poésie, qui permet, mine de rien, d'aborder délicatement un sujet délicat, peu prisé par le cinéma en général, encore moins par l'animation, celui de la dépression des enfants ou ados.