On le sait depuis "Les Lettres Persanes", pour décrire les mœurs d'un pays, rien de tel que de faire appel à des voyageurs exotiques, en appliquant le bon vieux principe selon lequel plus le décalage culturel sera grand, plus la naïveté du regard fonctionnera comme un révélateur. C'est ce qu'a fait Sacha Baron Cohen avec "Borat", et quoi qu'en dise Michael Youn un tantinet susceptible sur la question, son Taboulistan rappelle quand même bien la glorieuse nation Kazakhstan, juste un peu moins post-soviétique et un tout petit peu plus arriéré, si tant est qu'on puisse comparer sur l'échelle du mauvais goût le lâcher de Juifs kazakh et la danse tabouli où le danseur colle de vigoureuses torgnoles à sa femme.
Certes, "Borat" se présentait sous la forme d'un documenteur, alors que "Vive la France" épouse une forme narrative classique. En piégeant des Américains, notables ou anonymes, le film de Larry Charles brossait un portrait cruel des Etats-Unis de Georges Bush, alors que le titre du film de Michaël Youn illustre bien un propos nettement plus consensuel. Dans cette démarche du traquenard, "Borat" était beaucoup plus proche des "11 Commandements" où Michaël Youn et ses acolytes, présentés comme un groupe de Saint-Etienne, chantaient "Le Lion est mort ce soir" à la mi-temps d'un match à Gerland, à l'instar de Borat chantant des paroles à la gloire du Kazakhstan sur l'air de l'hymne américain à un rodéo en Virginie.
Après avoir inventé le Slovakistan pour ses Bratisla Boys, Michaël Youn crée donc le Taboulistan, patrie méconnue du taboulé. Feruz et Muzafar ont une mission simple : faire sauter la Tour Eiffel. Mais pour ces deux naïfs, la mission se complique très vite : suite à une grève des contrôleurs aériens, leur avion est détourné sur Figari, et le voyage vers Paris va connaître des détours nombreux, prétextes à illustrer les spécialités régionales de ces pays où on s'accorde sur une chose, "Ici, c'est pas la France !" : nationalistes corses, supporters marseillais (rappelons en ce matin de classico que Michaël Youn est un zélateur du PSG), policiers fétichistes toulousains, rugbymen bon-vivants du Sud-Ouest, chauffeurs de taxis parisiens. Dans ce Tour de France du cliché, on n'évite pas quelques lourdeurs potaches comme le personnage du gendarme joué par Jérôme Commandeur qu'on a connu plus inspiré.
La suite sur les Critiques Clunysiennes