La première qualité de « 12 years a slave », et pas la moindre, c’est de montrer l’esclavage dans sa vérité la plus froide et la plus cruelle. Un an après l’excellent « Django Unchained » de Tarantino, Steve McQueen remet l’esclavage au centre de l’actualité cinématographique. Mais là où Tanrantino faisait de l’esclavage la toile de fond d’un western lyrique, sanglant et somptueux, Steve Mc Queen prend le parti du réalisme. Ici, pas question de repeindre les murs avec le sang des esclavagistes, ici, les salauds ne sont pas punis, les vengeances ne s’accomplissent pas, la morale n’en ressort pas sauve. Ici, l’esclavage n’est pas une toile de fond, c’est LE sujet, LE personnage central du film. Je ne savais pas que des enlèvements de noirs libres étaient perpétrés au Nord pour être revendus au Sud, mais à bien y réfléchir, c’est tout sauf étonnant. La traite a été abolie, les navires ne débarquent plus d’Afrique avec la main d’œuvre pour les champs de coton. Les esclaves font peu d’enfants, et la seule manière de maintenir l’effectif (le cheptel, comme ils disaient), c’est l’illégalité, l’enlèvement, le trafic. Rarement, l’esclavage aura été traité avec autant d’acuité par le cinéma américain (je ne parle même pas du cinéma français qui n’a jamais évoqué la traite des noirs, à ma connaissance !). La mise en scène de Steve McQueen (que je découvre avec ce film) y est pour beaucoup. Outre une quantité de plans magnifiques, de paysages sublimes, un musique finement choisie et utilisée, il y a chez lui une volonté affichée de ne pas épargner le spectateur. Ca donne quelques scènes d’une violence psychologique à la limite du soutenable : la scène interminable de la corde, et pire, celle terrifiante du fouet qui va me hanter longtemps. Steve McQueen montre les chairs mutilées par le fouet pour ce qu’elles sont, difficile parfois de ne pas baisser les yeux. Le scénario est intelligent, il n’y quasiment pas de longueurs, le rythme est soutenu, essentiellement grâce à un montage qui joue très habilement avec les flashbacks et les flashforwards. Même si on sait (puisque c’est l’histoire vraie d’un homme qui a mis douze longues années à retrouver la liberté) comment le film va finir, le scénario nous leurre habilement puisque pendant tout le film, on n’arrive pas à envisager comment Salomon va se sortir de cette situation désespérée. Chiwetel Ejiofor et Lupita Niong’o sont les deux révélations de ce film et on entendra parler d’eux, peut-être aux Oscars dans pas longtemps. Mais au milieu d’un casting de premier ordre, c’est Michael Fassbender qui impressionne. Ce beau mec, bel acteur abonné plutôt aux blockbusters très grand public, incarne un des pires salopards que j’ai vu au cinéma depuis longtemps et il est in-cro-yable. Son rôle fait penser très fort à celui que tenait Ralph Fiennes dans « Schnindler’s list » et il le tient avec autant de force et de talent. Il signe là une énorme performance qu’il serait dommage de ne pas souligner au prétexte qu’il joue un immonde salaud ! Je ne trouve pas beaucoup de défaut à « 12 years a slave », à part une fin un tout petit peu larmoyante mais comment faire autrement avec un sujet comme celui là ? Non, décidément, je ne vois pas ce qui pourrait vous retenir de vous offrir ce grand moment de cinéma.