Difficile d'adapter l’Écume des Jours, surtout quand on sait qu'il fait parti des romans les plus appréciés par les français. Autant dire que le Michel Gondry il était attendu au tournant, par ses détracteurs, et par les coincés qui bouffent du livre à longueur de journée et qui hurlent au scandale, ou à la bouse, dès qu'un film ose s'éloigner un tant soit peu du matériau d'origine sans autres arguments que "de toute façon, le livre c'est mieux". Peut-être qu'un jour ces personnes comprendront que la littérature et le cinéma ça ne marche pas pareil, et que l'adaptation c'est avant tout le point de vue d'un artiste sur le travail d'un autre artiste, et que donc ça demande une certaine ouverture d'esprit, comme accepter le point de vue et la vision d'un autre... Mais pour l'instant parlons du film, qui est loin, et même très loin d'être mauvais! Michel Gondry s'est amusé pendant le tournage du film, c'est la première chose que l'on voit à l'écran. Toutes ses petites inventions prennent vie devant nos yeux émerveillés, qui assistent à un déferlement d'idées mises en scène avec toujours plus ou moins de folie ou d'originalité. C'est d'ailleurs ce point précis qui montre à quel point le film est une parfaite maîtrise technique, avec une utilisation judicieuse et délicieuse du slow motion. Cependant, parfois, il est vrai qu'on a l'impression que c'est un peu "too much", l'avalanche d'effets visuels prenant un peu trop le dessus sur l'histoire et ses personnages, et par conséquent, on peut se sentir exclus ou lassés en tant que spectateurs. Mais une fois que l'on s'est habitué au style de Gondry, on se laisse tout simplement bercer dans ce conte, qui, par contre, est d'un pessimisme et d'une noirceur assez surprenante et qui ne va jamais en s'arrangeant. Donc si vous allez voir "L’Écume des Jours" en pensant voir la dernière comédie française à la mode, et réunissant tous les humoristiques bankables du moment pour l'occasion, passez votre chemin! Et puisqu'on parle du casting, autant dire que c'est d'ailleurs l'un des points forts du film. Qu'on les aime ou pas, il faut dire ce qui est, ils portent remarquablement le film sur leurs épaules (sauf peut-être Audrey Tautou) et arrivent à retranscrire à l'écran ce sentiment très difficile à mettre en scène sans tomber dans l'excès: le pathos, qui là n'est pas à prendre dans le mauvais sens du terme, celui qu'on a un peu trop tendance à voir dans les drames larmoyants (cf. La Rafle, qui tire presque vers la comédie). Car oui, le but du film c'est pas de vous faire sortir les mouchoirs, mais de bien vous pourrir le moral pour que vous compreniez ce que ressentent les personnages, qui évoluent de plus en plus dans un univers morose, décoloré, amer et sinistre. Et Gondry, du haut de son génie, fait évoluer le film et son esthétique en même temps que le ton général, à tel point que l'on ne s'en rend même pas compte, et lorsque c'est le cas, on se prend une gifle monumental devant la beauté visuelle du film. En conclusion: Gondry s'est approprié l'oeuvre de Boris Vian, et l'a retranscrite à merveille et à sa façon. Si son style rebutera les moins connaisseurs, il ne faut pas perdre de vue qu'ici la technique est clairement utilisée au service du sens et qu'elle demande un temps d'adaptation. Si on regrettera cependant beaucoup de longueurs, et une première partie qui oublie un peu l'histoire et ses personnages, on s'émerveillera devant la beauté visuelle du film et on appréciera les performances de l'ensemble du casting (exception faite d'Audrey Tautou, dont le jeu sonne faux). Une belle réussite, qui remonte un peu le niveau du cinéma français du moment.