Le film est exigeant, très dense en matière de détails absurde, et d'effets bricolés. Si au début il est naïvement joyeux, à la fin, il est d'une tristesse à se tirer une balle. Tristesse qui met un sacré temps à s'installer, et ne semble jamais en finir. Il peut être fascinant comme il peut être vomitif. On le taxe de saturé, maladroit, ennuyeux, aux personnages vides, au casting trop prévisible, irrespectueux envers le roman, etc... mais tâchons toutefois de garder en tête qu'il s'agit d'une des adaptations les plus casse-gueules qui aient été envisagées au cinéma. Et pour moi, amoureux du 7ème art, et du roman de notre ami Boris, je suis tout simplement aux anges. C'est un grand ravissement pour moi de bénéficier, d'une oeuvre cinématographique d'un de mes livres préférés, d'un de mes réalisateurs préférés.
Certes il manque de nombreux détails de roman, mais c'est le cas de toute les adaptations littéraires au cinéma, on ne pouvait bien évidemment pas s'attendre à retrouver la réplique parfaite du texte à l'écran, et qui plus est d'un texte de Vian! Soit dit en passant, pour tout ceux qui se sont sentis perdus dans tous les détails absurdes, et les jeux visuels bidons, le roman pour lequel on parlera de jeux de mots bidons) est incroyablement pire que le film. Je pourrai dans ce cas, reprocher au film de ne pas être assez gore, de ne pas être assez absurde, de ne pas assez me submerger dans l'univers totalement délirant du roman, mais pour ce faire à mon avis, il aurait fallu un film complètement en images de synthèse. Gondry prend le parti, comme à son habitude, d'opter pour des décors surdimensionnés (pour certains plans de la souris), un squelette en carton-pâte (pendant la radio de Chloé), toute une cascade (peut-être timide) d'objets où de scènes en stop motion... et que je trouve tous incroyablement plus charmants que les effets spéciaux que l'on voit dans des films plus conventionnels.
Même si les acteurs ont pu nous énerver dans d'autres films, ils n'empêche absolument pas qu'ils soient ici irréprochables, et je pense dans quelques années, quand les films comme Populaire, ou Hors de prix, seront oubliés, on n'accordera aucune importance au choix des acteurs "trop vus" en ce moment. J'ai pour ma part été touché par la justesse du jeux de Gad Elmaleh, d'Omar Sy, et de Romain Duris, que je ne porte pas forcément dans mon coeur, littéralement fou d'Aïssa Maïga dans le rôle d'Alise (voire notamment la scène du baiser avec Chloé, que j'ai trouvé d'une très grande beauté). Bien que différente de la Chloé que je m'étais imaginé, celle du film, plus directe, et moins élégante était tout aussi attachante, et Audrey Tautou reste sublime. Au fur et à mesure du film on est saisi par la dévotion des personnages, les uns envers les autres (excepté celle de Chick qui n'est dévoué qu'à Jean Saul Partre). Ce que n'importe quel acteur n'aurait pas forcément pu nous faire ressentir.
À noter aussi l'utilisation parfaite de la musique de Duke Ellington, qui renforce en puissance les émotions renvoyées, et qui à la fin nous donne réellement envie de nous tirer une balle! Ce qui je pense en aurai ravi notre cher auteur.
Enfin, j'ai pu rire (le biglemoi est génial), j'ai pu pleurer, et j'ai pu être fasciné par les effets "vomitifs". J'ai été emporté dans un monde de nostalgie, de cruauté, de folie, et surtout d'amour, qui bien que très Gondrysé, et forcément plus soft que dans le roman, est tout de même très fidèle à celui de Vian.
Un avis extrêmement positif pour cette adaptation risquée, qui, dans les mains d'un des réalisateurs les plus inventifs et sensibles de notre époque, et envers lequel j'avais une entière confiance, ne m'a absolument pas déçue, et m'a plutôt laissé au coeur la beauté éphémère d'un nénuphar mortel.
BRAVO!