Excellente soirée au-Ciné St-Leu lundi soir autour du film Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont, suivi d'une discussion avec l'association freudienne, et d'un documentaire (assez applaudi à la fin car assez remarquable) sur le tournage du film. Avec des réalisateurs de ce calibre, tournant jusqu'à présent avec des acteurs non professionnels (ici avec d'authentiques malades mentaux et infirmières seulement placés dans des costumes et des décors pour s'ajuster avec l'année 1915), avec cette dialectique entre la folie et la normalité, le spirituel et le quotidien, on est en lieu d'acquérir pour le moins de l'humilité tant le niveau d'exigence est élevé. Les "résidents" sont plus "vrais" que nature (et lorsqu'on voit le documentaire on prend aussi conscience de leur propre travail de création de leur personnage, malgré leurs réels handicaps).Juliette Binoche, seule actrice professionnelle du film doit être dans une improvisation réelle tout en maîtrisant à la perfection les mots et les gestes de Camille Claudel. Elle ose, elle prend le risque et c'est formidable. Tout comme l'autre acteur professionnel du film, Jean-Luc Vincent dans le personnage de Paul Claudel, symétrique de Camille, mais tout aussi enfoncé dans sa propre forme de folie, comme lorsque nu, écrivant dans sa chambre il questionne son bras. Seule note un peu discordante à mon sens, et à l'inverse du travail des acteurs professionnels et des résidents, le personnel soignant en costume forme un contrepoint par son jouer-faux... Mais le résultat est là. Le film de ces 3 jours de 1915 (un point dans les 30 ans de son internement psychiatrique) est d'une maîtrise, d'un lumineux (un brasier de passion intérieure et d'une lumière contemplative extérieure), d'un niveau de lecture imbriqué alors que tout est en dépouillement ! Aussi on ne peut que dire, chapeau bas monsieur Dumont. Je ne vous connaissais pas en tant que réalisateur, mais comme disent les jeunes, "Total respect". C'est grand, c'est beau, ça lave, ça rachète de toutes ces séances convenues de cinéma commercial, proprettes que je vois souvent. On en ressort grandi. On peut même dire que dans cette forme de cinéma très prisée aujourd'hui autours du spirituel comme dans le "A la merveille" de Terrence Malick, vous apportez une vrai valeur ajoutée, et pas seulement de l'esthétique creuse, où quand on ressort on ne sait pas quel film on a vu et ce qu'il s'y est passé. Merci encore.