Ce Camille Claudel commence là où se termine celui avec Adjani. Elle est internée dans une maison, mi hôpital - mi couvent puisqu’on la diagnostique folle, hystérique, etc... On se dit qu’elle ne va pas tarder à mourir, mais elle y vivra encore...35 ans !
On est donc dans ce lieu paumé dans la région d’Avignon, dirigé par des soeurs et un vieux médecin fatigué. Camille est à fleur de peau, elle ne comprend pas vraiment pourquoi on l’a isolée ici, pourquoi sa famille l’a abandonnée. On se rend compte qu’elle est un peu déglinguée, mais pas plus que cela. Disons qu’elle est fragile. D’ailleurs si on la compare aux autres pensionnaires, elle pourrait facilement en être l’infirmière tant son comportement nous parait stable.
C’est un film où il ne se passe pas grand chose, mais où chaque chose est essentielle. Les trois jours que dure l’action sont un échantillon des trente cinq ans que durera le séjour de Camille, avec des micro instants où «ça va», et de longs moments où «ça ne va pas».
Bruno Dumont, le cinéaste du nord, des Flandres, du Pas de Calais filme la Provence ! Mais celle ci est grise, tourmentée comme les pieds de vigne qui fascinent Camille...elle ressemble à la Belgique, même quand il y a un peu de soleil !
Juliette Binoche atteint un sommet, à mon sens jamais inégalé par personne. J’en ai vu des comédiennes bouleversantes, mais je n’ai jamais vu cela. Tout le monde se souvient de la séquence dans «L’important c’est d’aimer», où Romy Schneider s’adresse au photographe qui la shoote pendant qu’elle tourne un film de merde où la réalisatrice lui gueule dessus ? Elle lui dit «ne faites pas de photos...je suis une comédienne, je sais faire des trucs bien», cette scène qui me troue le ventre, à chaque fois que je la regarde ? Ben, Camille Claudel 1915, c’est comme ça tout le temps...Binoche est l’épée qui t’ouvre le ventre. C’est tellement fort que par moments je ne regardais plus l’écran tant j’étais chamboulé par ce qui est proposé. Elle est filmée à nue, sans artifice, sans maquillage, pure. J’étais un peu en froid avec elle depuis qu’elle s’était perdue dans des films de merde, mais je dois dire que j’ai reçu ce matin, la plus grande claque de ma vie de cinéphile. Franchement c’est pas le film le plus facile à voir en ce moment, mais je recommande.