Babycall est en fait un film sur fond de drame social et familial teinté de quelques touches de fantastique…mais si peu. Peut-on alors parler d’un film de genre ? Multi-récompensé au festival de Gérardmer 2011 (Grand Prix et Prix de la critique), le jury a sans doute pensé que oui. Le film est entièrement porté par l’interprétation très juste, comme à son habitude, de l’actrice suédoise Noomi Rapace (Millénium, Prometheus). Elle est habitée par son rôle d’Anna, une mère hyperprotectrice en proie à ses peurs, à ses doutes et ses démons.
Cette femme est en rupture totale avec son environnement et le monde qui l’entoure. Son unique lien avec le réel est son enfant de 8 ans, Anders. Par son intermédiaire, les seules personnes qu’elle côtoie sont les 2 employés des services sociaux et le personnel de l’école primaire où elle accompagne chaque matin son fils.
Cette état de fait est la conséquence directe de la relation extrêmement conflictuelle qu’elle entretenait avec son mari, le père de son enfant. Suite à un drame où la vie d’Anders était clairement menacée, elle a fui et retrouvé un appartement dont l’adresse n’est connue que d’elle et des services sociaux en attendant une décision de justice qui la mettrait hors de danger. Sa terreur vis-à-vis de son ex-mari la pousse à surprotéger son fils en le faisant notamment dormir avec elle afin de toujours garder un oeil sur lui ou en lui faisant l’école à la maison. Mais cette attitude est susceptible de jouer en sa défaveur. Les services sociaux lui conseille donc de retrouver une relation “normale” avec son fils.
C’est alors qu’en rentrant chez elle, contrainte et forcée, après avoir déposé Anders à l’école, elle tombe en flânant dans le centre commercial sur un Darty suédois. Elle aperçoit en vitrine le fameux babyphone ou babycall, qui donnera son nom au film, et cela a fait tilt dans son esprit. C’est le tournant du film. L’achat de cet objet anodin du quotidien fera partir le film dans deux directions. L’objet en question est multicanal et à l’instar d’un talkie-walkie il peut capter les sons émis par d’autres appareils dans un certain rayon d’action. C’est ce qui arrivera. Mais ce qui sortira du babyphone est plus que terrifiant pour cette mère instable. Elle perçoit des cris d’enfants implorant pour ne pas être battu par son père. Souhaitant faire cesser ce “brouhaha”, elle retourne illico voir le vendeur avec lequel va alors s’instaurer une relation amicale, puis amoureuse, mais toujours très chaste et platonique. Les bruits ne s’arrêtent pas et elle va alors vouloir mener sa petite enquête, savoir de quoi il retourne et quelle en est l’origine. Plus l’intrigue avance, plus elle va sombrer dans la folie et le désespoir, se rendant bien compte que quelque chose ne tourne pas bien rond chez elle et plus également elle et M. Darty vont se rapprocher. Celui-ci va se révéler être un véritable point d’ancrage dans cet océan de doutes. Anna devient de plus en plus paranoïaque et pour nous spectateurs comme pour elle, il devient très difficile de démêler le vrai du faux. Nous voyons tout à travers les yeux de ce personnage (pas non plus façon Maniac où l’on se retrouve littéralement dans la tête du tueur). C’est d’ailleurs une des forces de ce film.
Le réalisateur met en parallèle 3 histoires : le drame d’Anna, puis celui auquel elle est en train d’assister via le babyphone et par certaines hallucinations (ou pas) et enfin celui vécu par M. Darty qui aurait vécu dans son passé un drame familial très similaire à celui d’Anna et d’Anders. On reste centré sur Anna et les intrigues parallèles sont abordées superficiellement. Un point noir du film est l’exploitation du babyphone qui est finalement assez anecdotique et très frustrante. Ce qui aurait pu emmener le film vers un véritable film de genre et quelques bonnes scène de terreur nous laisse totalement sur notre faim. L’angoisse n’est ressentie que par Anna, et même si Noomi nous livre là une performance avec une belle palette d’émotions, cela ne traverse pas l’écran pour créer chez nous de l’empathie. La scène finale reste tout de même assez marquante. Une scène qui fait d’ailleurs l’ouverture du film, et où l’on comprend rapidement que toute la suite d’événements qui suivra nous y amènera inexorablement. Ce type d’introduction est assez classique et n’apporte finalement pas grand chose à l’intrigue dans ce cas précis car on peut deviner assez rapidement de quoi il retourne.
Ce film est doté d’une esthétique très froide et épurée qui nous plonge instantanément dans cette ambiance si particulière et qui donne encore plus de relief aux scènes de folie et d’hallucinations. Le réalisateur nous emmène vers un noeud de l’action plutôt opaque où les moins téméraires des spectateurs auront déjà zappé. Sletaune s’en sortira 10 minutes avant la fin par divers twists et révélations qui donnent du coup une sévère impression de bâclé. Pas de happy end ici, mais une fin réellement dramatique et relativement attendue voire annoncée. Le film manque de rythme et l’on attend pendant toute la durée quelque chose qui donnera un peu de corps à l’ensemble. La performance de Noomi Rapace relève le niveau permet tout de même de regarder ce film qui ne méritait cependant pas tant d’éloges de la part de nos amis de Gérardmer.