Quand un acteur tel que Matthew McConaughey (alias le Séducteur Aventurier) vous file une claque cinématographique, vous avez le choix : ou bien vous persuader que c’était un accident (et on ne vous y reprendra plus !), ou bien tendre l’autre joue… et vous en prendre une deuxième.
Et c’est exactement ce qui vient de m’arriver. Après le méchant coup dans l’estomac que m’avait asséné Killer Joe l’an dernier, je viens de me prendre une baffe magistrale avec Mud, reparti bredouille du festival de Cannes en 2012 (ce qui est plutôt bon signe…) et enfin arrivé sur nos grands écrans.
Je ne suis pourtant pas une grande fan de ces histoires « tranches de vie ». Mais il y a de la grâce dans Mud, de la puissance aussi, et de la profondeur, de l’humour, de la nostalgie, de l’espoir et surtout, surtout beaucoup de talent.
Celui de McConaughey, pour commencer. La belle gueule du cinéma romantico-héroïque se grime en fugitif amoureux et tanné par le soleil, exilé sur une île solitaire dans l’attente de sa belle, paumé attendrissant et un brin illusionné, à la fois égoïste et généreux, mentor et élève : c’est lui Mud, dont le nom évoque la « boue », celle des rives du Mississipi qui l’ont façonné. Une fois de plus, « McCo » nous montre qu’il en a largement autant sous le chapeau texan que sous la chemise (qu’il tombe quand même à un moment, pour le plus grand plaisir de la midinette), avec ce rôle tout en sensibilité et en sincérité. La preuve qu’on peut être beau et beau.
Celui des deux gamins, ensuite, qui font l’apprentissage de la vie et de l’amour, de la confiance et de l’amitié, des hommes et des femmes sur les rives d’un Mississipi boueux et rude, dangereux et familier. Si Mud, le Crusoë volontaire campé par McConaughey, donne son nom au film, se sont les enfants les véritables héros de cette aventure initiatique : Ellis et Neckbone, mômes un peu délaissés en manque de figure paternelle, qu’un personnage étrange, surgi de nulle part, va guider sans le vouloir sur le chemin de l’âge adulte. Comme un petit goût de Spielberg de la belle époque.
Celui du réalisateur, enfin, Jeff Nichols, qui signe un film d’un réalisme à la fois grave et léger (oui, c’est possible). Il y a du Mark Twain dans ce récit d’enfance vagabonde, dans cette quête désillusionnée et pleine d’espoir, un peu comme si Huckleberry Finn et Tom Sawyer rencontraient les gamins fouineurs de Stand by Me. Ça ne pouvait donner que du bon, évidemment.
« Alors Dieu modela l’homme à partir de la boue du sol », dit-on. Peut-être. Mais de Mud, Jeff Nichols créa le chef d’œuvre. Et ça c’est certain.