Précocement passionné par le cinéma, surtout fantastique et d’horreur, Christophe Turpin fait ses premières armes de « réalisateur » dès l’âge de 12 ans, en Super 8 ou vidéo. Après une formation dans une école de cinéma privée à Paris, il collabore à une revue spécialisée, est un temps rédacteur de pub et écrit plusieurs courts métrages mis en scène par d’autres. En 1998, il réalise un premier « court », avec Barbara Schulz, « Enchanté Baby Jane », puis, cet essai non transformé, galère à nouveau quelques années, jusqu’au joli succès de «Jean-Philippe » en 2006, (près de 1.300.000 entrées/France) de Laurent Tuel, dont il a coécrit l’histoire plaisamment « uchronique » (premier en date « Prix Jacques Prévert du Scénario original » décerné par ses pairs de l’Union Guilde des Scénaristes). Il commence alors à se faire un nom comme scénariste : suivent l’épatant « JCVD » de Mabrouk el-Mechri sorti en 2008 et « L’Amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder en 2011, mais toujours en collaboration. Il signe enfin seul l’histoire de son premier « long » : « Sea, No Sex and Sun », une comédie « estivale » et en partie autobiographique, tournée selon ses vœux en CinemaScope, dans la Bretagne de son enfance (double nostalgie), et qu’il a même « storyboardée » en personne dans une proportion significative ! Belle implication pour le jeune quadragénaire, qui, fort de sa relative notoriété rappelée ci-dessus, bénéficie d’une sortie honorable (181 salles hexagonales). Mais, précédé d’une bande-annonce peu enthousiasmante et d’une affiche médiocre, que vaut ce film ? Il n’est plus question de jouer sur la notion d’univers parallèle, sur l’histoire « alternative » comme dans « Jean-Philippe », mais le temps est encore source d’inspiration pour Christophe Turpin avec cette nouvelle histoire. Au lieu de retracer trois étapes importantes de la vie de son héros, de manière classiquement chronologique, il a eu la belle idée de les juxtaposer, en un lieu unique (Carnac, endroit récurrent de villégiature), et à un instant T (juillet 2011) – ce faisant, le héros « au présent » est « Guillaume », qui, à 35 ans, s’est installé, encore modestement, dans la vie, après avoir renoncé à certaines ambitions et aspirations de jeunesse (comme ses envies de dessiner des BD : il se contente maintenant de parcourir celles des autres), tout en cédant souvent à la tentation de tromper sa femme (avec laquelle il a déjà une petite fille), quand le héros « au passé » est « Alex », le garçon de 20 ans, à l’âge de toutes les expériences et de tous les possibles, plein de rêves et maladroit avec les filles, et celui « au futur » est « Pierre », qui, un enfant de plus et trop de tromperies à son passif, a divorcé, ayant cependant au moins réussi matériellement. Les personnages ont des silhouettes, des caractères, parfaitement « raccord » (le triple héros, comme ses partenaires) et les anecdotes s’enchaînent logiquement, mais Turpin le scénariste ne sait pas exploiter cet habile procédé narratif, pas plus que ne sait le mettre en valeur Turpin le metteur en scène : au résultat, une simple succession de saynètes vaudevillesques, le tout n’étant pas davantage sauvé par une bonne direction d’acteurs (Duléry & Co restent dans un navrant « plan-plan »). Hélas, comment gâcher un procédé original, et qui reste au stade des promesses : tout ça, pour ça !... Une chronique « balnéaire » sur la frustration (fond de l’histoire), qui laisse le spectateur dans une situation voisine : Christophe Turpin rate son entrée en réalisation, en ayant une idée prometteuse, tout en s’abandonnant à la paresse de n’en pas tirer avantage.