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Un visiteur
3,0
Publiée le 10 janvier 2012
Cousin britannique de Michael Moore, Nick Broomfield officie lui aussi dans le registre tout particulier du documentaire politique satirique. Évidemment, il ne faut pas prendre pour argent comptant ce qui y est affirmé, tant la rhétorique comme les procédés de mise en scène et de montage sélectifs peuvent être porteurs d'une intime manipulation. C'est pourquoi il faut décortiquer le film -dans un monde où la frontière entre film d'art et documentaire s'estompe, les premiers n'hésitant plus à se baser sur une intense documentation et les seconds à user de procédés de mise en scène et à mettre en récit leurs recherches- avec des pincettes.
Commençons, à contrario de la méthodologie adoptée par Broomfield, par là où le bât blesse. Il faut souligner comme une évidence le manque de prise de risque pris par l'auteur à dresser un portrait à charge de la co-listière de McCain: d'une part car elle-même est aisément critiquée dans son pays et bien bas dans les sondages -ce qui n'empêche pas à Broomfield de tirer sur une ambulance- et d'autre part de part sa nationalité et son recul tout européen sur la petite cuisine américaine, alors qu'il semblerait qu'un petit tour dans celles du Royaume-Uni serait tout aussi garni. En outre, un autre problème plus profond se pose. Il semble évident que le fait de charger Sarah Palin soit à l'origine même du projet, ce qui relaie au second plan toute velléité d'objectivité. De ce fait, alors que le premier quart du film commence par louer le charisme et la combattivité de la gouverneur de l'Alaska, on s'aperçoit bien vite qu'il s'agit d'un procédé rhétorique visant à nous faire gober que Broomfield partait en toute bonne foi et que c'est l'enchaînement des faits, et notamment le refus par la principale concernée de donner une interview, qui l'a amené à dresser un portrait à gros traits. Ce qui confine à la malhonnêteté intellectuelle, et le spectateur un poil vigilant ne sera pas dupe.
Maintenant qu'on a posé les principales limites de l'objet, il faut le prendre en compte pour les problèmes théoriques qu'il soulève. Et là, on constate que, malgré un évident manque d'objectivité, le constat est édifiant. L'ascension de Palin, narrée par ceux qui l'ont côtoyée -et qui sont disposés à parler, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas dans ses petits papiers, c'est à préciser- est effrayante. D'une culture politique somme toute assez mineure et d'une implication dans les affaires de la communauté qui se borne aux règlements de compte personnels, Palin ne présente pas tout à fait l'image qu'on est en droit d'attendre d'une représentante élue du peuple. Ses bourdes et son incompétence étant connue de tous, ou presque, aux États-Unis, on sera tout de même édifié de voir que ses premières et principales décisions relèvent littéralement de la vendetta personnelle, à la manière d'une Staline de l'ouest, faisant virer ceux qui ont eu l'outrecuidance de s'opposer à elle. Encore plus déconcertant: voir à quelle vitesse cette évangéliste créationniste et homophobe gravit les échelons politique, de la mairie du bled local à l'éventuel poste de vice-présidente (!), amplement moins sur la base d'une quelconque compétence -genre savoir situer l'Irak sur la carte du monde- que sur la seule force de son aplomb, d'une démagogie au rabais et d'une imagerie avenante. Un portrait en creux qui évoque par un habile jeu d'ombre la déconnexion du monde politique, simple jeu de miroir, où sont moins représentés les véritables intérêts du citoyen que leurs propres représentations sordides.
Amusant dans la forme -il ne faut pas enlever l'efficacité du genre satirique, Sarah Palin, You Betcha doit cependant être relativisé dans sa capacité à informer et vaut plus pour la valeur d'exemple que pour le portrait glaçant mais peint au rouleau compresseur d'une des femmes politiques les plus potentiellement puissantes, mais aussi effarante et effrayante, au monde.