De ce film, il ne faut retenir de positif que deux choses selon moi:
- deux acteurs crédibles, bien dirigés
- un art des scènes longues qui justement rend hommage aux acteurs et à leurs personnages.
Pour le reste... Si vous n'avez pas baigné dans un certain milieu (ici le côté soft, néanmoins) nocturne gay, n’êtes ni adepte des drogues ni « sex-addict », autant dire que vous allez vous ennuyer. Si Andrew Haigh sait filmer et diriger avec peu de moyens, sa réflexion philosophique et morale est à tout le moins un peu trop sobre sinon franchement ordinaire.
Pas de clichés? D'une certaine façon, je répondrais non car moi qui suis homo et en couple (monogame - ça arrive) depuis longtemps, je ne vais pas draguer dans les bars, je ne prends pas de drogue, je ne pense pas que le cul est le centre d'intérêt principal de mes relations et je ne me prends pas pour une victime du complot hétérosexiste. Or nos deux héros versent à fond dans ces travers. Sont-ils ou non représentatifs des gays? Je laisse donc le soin aux gens du milieu d'y répondre.
La morale? Bah oui, à défaut d'une parfaite idylle à l'eau-de-rose comme certains l'auraient peut-être souhaité, on aurait pu éviter de faire croire qu'il faut ba*ser et se camer comme des cochons pour se poser enfin des (bonnes) questions. Mais bon, c'est le scénario ici, donc il faut accepter l'histoire des protagonistes sans pour autant s'identifier: pas évident.
Existentialiste? Le réalisateur prétend à cette réflexion sur la "condition" gay. Honnêtement, cela na vole pas haut sur la remise en question mais les termes du débat sur l'idée du bonheur en couple, le mariage, la fidélité et l'amour chez les homos sont posés et non sans ce réalisme social piqué d'humour, propre au cinéma britannique.
Malheureusement le résultat est contrasté entre des scènes très belles et des scènes vraiment agaçantes (sexe, drogue) - car inutiles dans ce qui aurait pu être un beau film, même avec peu de moyens - mais le scénario, s'il laisse une place intéressante à une dramaturgie soignée et, encore une fois, bien mise en scène, ce scénario n'a pas grand chose à apporter sur le recul faussement critique et vraiment complaisant sur ses personnages au comportement plutôt narcissique qu'altruiste et plus lâche qu'audacieux.
La fine pointe de cette peinture de moeurs résiderait-elle finalement dans ces caractères, centrés sur eux-mêmes, sur leurs pulsions, leurs angoisses et incapables en définitive de voir le monde autrement qu'à travers un prisme, leur prison : celui de la culpabilité. Pas sûr que cette conclusion qui ressort du film était bien le propos du réalisateur Andrew Haigh...
En tous cas sur le fond, ce n'était pas ce à quoi je pouvais légitimement m'attendre en ayant lu les critiques presse qui parlait de "modernité" et de justesse du regard "sans clichés"...
En conclusion, la forme est intéressante, les acteurs sont bons et bien mis en scène selon moi, mais le fond hélas manque trop à la forme.