Avec un film polonais sur le glorieux syndicat Solidarnosc, qui a su le premier, faire vaciller le surpuissant Pacte de Varsovie, on pouvait s'attendre à une hagiographie indigeste comme le cinéma des pays de l'Est en a le secret. Tout faux. Avant d'être un film sur l'histoire de cette jeune démocratie, "la dette" est un film sur les êtres humains. Il commence par la description du quotidien, ni rose ni noir, de Zygmunt et son fils Pawel qui survivent grâce au commerce de fripes. Ces personnages sont appréciés dans leur environnement. Par petites touches, ils sont décrits comme très proches, le fils vouant à son père, érudit et héros de la libération, un amour et une grande fierté. Pourtant un jour, le passé semble rattraper Zygmunt, qui aurait été une balance des services secrets et qui aurait causé la mort de 7 grévistes, dont le père de sa belle-fille. Celle-ci cherche d'ailleurs à faire éclater la vérité sur les crimes du pouvoir en place à l'époque à l'occasion d'un procès qui se veut exemplaire.
Dès la mise en place de ce cadre, l'histoire va suivre une logique implacable. Comme le dit un personnage, "trente ans d'histoire, ça ne s'efface pas comme ça". Et effectivement, nous voyons Zygmunt commencer à paniquer, faire l'aveu de sa trahison à son fils et se réfugier en France. Je n'en dirai pas plus, mais le film, déjà profondément humain dans sa description des sentiments de chacun (aucun n'est oublié) va se concentrer sur les doutes qui ne vont cesser de tourmenter Pawel.
Et, sans exagération ni démagogie, nous assistons à un fabuleux numéro d'acteurs qui, grâce à peu ne mots, arrivent à nous faire partager leurs tourments. J'irai même jusqu'à dire qu'un personnage à-priori odieux a des motivations pouvant paraître légitimes.
Donc, je me me répète, mais nous assistons à un film d'une grande humanité où chacun se retrouve à un moment face à des responsabilités qui le dépassent et qui devra vivre le restant de ses jours avec les choix qu'il a faits. Si vous ne vous laissez pas dégouter par la laideur des paysages et du morne quotidien polonais, par le rythme lent de l'histoire qui pose pourtant très finement ses jalons, vous verrez l'un des grands films de cette année.