Produire des films aux couleurs sociales, éthiquement forts est devenu en quelque sorte à la mode. Lorsqu’en plus le film aborde le thème du Handicap (physique ou mental), c’est le top niveau engagement. « Hasta la Vista » est l’un de ces prototypes d’un nouveau genre de cinéma, « le cinéma social grand public ». Loin des films tarabiscotés d’arts et d’essais et autres pellicules invitant à la masturbation cérébrale, ce film Belge semble surfer du côté d’ « Intouchables ». Très vite pourtant, l’œuvre de Geoffrey Enthoven se démarque du moule originel. Cette petite production, discrète et finalement que peu connue (bien que fort bien accueillie par la critique) possède un charme et un rythme bien propre à elle. L’étiquette comédie dramatique lui sied à merveille tant certains passages gonflent entre un tendre humour, avant d’adopter une posture bien plus grave, solanée. Sans préjugés, loin de toutes discriminations, ce film étonne par son histoire loufoque à souhait : Une bande de copains, aux handicaps tous différents (l’un est aveugle, l’autre en chaise roulante, le dernier est paralysé), vont entreprendre un voyage en Espagne, à la recherche d’une première expérience sexuelle dont aucun d’eux n’a jouit encore. Malgré la réticence des parents et les barrières morales qui les embrigades dans leur triste et confiné quotidien, ces trois Messieurs partent donc sur la route, après quelques complications, accompagnés par une chauffeuse française d’agence de voyage handicapée, elle aussi victime d’un handicap à sa manière (elle est obèse). Nait alors de ce drôle d’entreprise conflits, complications et péripéties ; en découlent progressivement de nouvelles manières d’appréhender l’autre, soi-même, sa maladie. Le scénario est ficelée avec amour et talent, sans aucune redondance ni absurdité, garantissant évidemment sa pelletée d’émotions. Sur ce point de vu là, « Hasta la Vista est une pure réussite » : on s’attache très vite à ces trois handicapés, aux comportements, personnalités bien différentes. L’aveugle est humble, naïf, compatissant ; le paralysé est taquin, parfois pas très fin et canalise son mal-être et sa douleur quotidienne à travers la haine d’autrui, la moquerie ; le dernier (le plus jeune, un ado seulement), est sensible, anxieux et mélancolique… Atteint d’un cancer avancé, ses jours lui sont comptées. Autours des angoisses, des envies et sentiments de cette bande nait des situations toutes très chargées émotionnellement, franches dans leur simplicité et leur réalisme. Claude, la conductrice, se révèle aussi au fur et à mesure tout aussi fascinante que ses trois passagers en quête du plaisir de la chair. Des tranches de vie, de bonheur et de sincérité sont immortalisés avec magie à travers les caméras de Geoffrey Enthoven. On ressort de ce film étourdi, sous le choc mais aussi ensorcelé par le charme d’une histoire aussi touchante. « Hasta La Vista » n’est toutefois pas un film pessimiste vis-à-vis du handicap ; il est seulement réaliste, révélateur. C’est un délicat breuvage de vérité, à l’équilibre parfait entre mélancolie et bonheur. J’ai adoré. 17/20