N’étant pas vraiment fan de la culture da la banlieue et ne connaissant que très peu le programme court "Kaïra shopping" diffusé sur Canal , je ne me suis pas forcément précipité sur cette comédie. Il a fallu toute la bienveillance des critiques et le carton du film en salles pour me faire réviser ma position. Et je dois reconnaître que j’ai eu tort de ne pas me laisser tenter plus tôt. Car, sans être un chef d’œuvre, "Les Kaïra" parvient à s’extirper de l’étiquette "spéciale dédicace 9-3" grâce au talent d’écriture de Frank Gastambide, qui cumule ici les casquettes de réalisateur, de scénariste et d’acteur. L’air de rien, avec son histoire de potes voulant se lancer dans le porno, Gastambide dépeint sa banlieue avec une certaine tendresse mais n’oublie pas d’en pointer les défauts. Le film se fout, ainsi, allégrement de la gueule des pseudos caïds de banlieue, de la culture du porno, de la misogynie, de l’homophobie, etc… Et, ça fait du bien de pouvoir parler de la banlieue sans sombrer dans la misérabilisme ou dans la leçon de morale. Maintenant, le sujet du film reste, sans surprise, sa limite et "Les Kairas" ne pourra pas prétendre à une quelconque universalité (difficile de se reconnaître totalement dans les personnages lorsqu’on a jamais mis un pied en banlieue). Pour autant, le film est souvent très drôle, que ce soit pour les initiés ou les néophytes… et c’est sans doute ce qui fait sa force. En effet, pas besoin de parler "wesh-wesh" pour se marrer devant les extras karaokés d’Abdelkrim (qui chante de Daniel Guichard à la perfection) ou l’ahurissant entretien avec le producteur porno (et son arrière plan sur la vieille qui se touche devant une webcam). Idem pour les dialogues qui détourne le parler kaira pour mieux le moquer ("tu bandes devant les gens", "si j’ai la chance d’aller en prison, inchallah"…). Dommage, cependant que ces scènes soient entrecoupés de gags plus lourdauds (le coming-out final qui n’en finit plus, le femme fontaine…) ou attendus (le nain Momo qu’on confond avec un enfant ou qu’on considère comme un objet sexuel). Le personnage de Momo (joué par Jib Pocthier) est, d’ailleurs, beaucoup trop limité à son seul statut de nain, et s’avère être le moins intéressant du trio vedette. A l’inverse, Abdelkrim (joué par l’énorme Medi Sadoun) est épatant en macho braillard refoulant son homosexualité et Mousten (joué par Franck Gastambide) surprend par sa subtilité. Autre surprise : le nombre hallucinant de seconds rôles connus réunis pour l’occasion, ce qui a pour effet de réduire souvent leur apparition au simple statut de caméos sous-exploités. En effet, si on retiendra l’interprétation surprenante de Ramzy en terreur des banlieues ou encore de François Damiens en hilarant producteur porno, on aurait aimé qu’un peu plus de place ait été accordée à Eric Cantona, Alex Lutz, Armelle ou François Levantal (je mets à part les caméos de Katsuni et Rocco Siffredi). Une mise en scène un peu plus travaillée (avec un metteur en scène un peu plus chevronné, par exemple) n’aurait pas non plus été de trop, le film souffrant trop souvent d’un rythme inégal et de maladresses. Il n’en reste pas moins que "Les Kaïras"ont parfaitement su tirer leur épingle du jeu grâce à un humour étonnement frais et des acteurs qu’on espère revoir très vite sur grand écran.