Le cinéma russe s’exporte de plus en plus, et si tout n’est pas bon à prendre, il y a des pépites, dont ce 1612. Ah, quelle belle fresque historique et épique ! Ca envoie du bois, et ce avec un budget ridicule en comparaison des productions américaines (12 millions de dollars !). Je commence d’abord par le casting. C’est là un point fort avec un Pyotr Kislov habité par son personnage. Ce-dernier a par ailleurs beaucoup de relief, évoluant vraiment au cours du film, et traversé par de nombreuses émotions que Kislov rend avec efficacité. Dans les autres rôles il y a du très bon aussi, et je donnerai une mention particulière à Ramon Langa en Alvaro. Même s’il disparait en cours de route. C’est un choix extrêmement judicieux d’avoir pris réellement un acteur espagnol pour incarner ce personnage, et Ramon Langa lui-donne une belle classe et beaucoup de charisme. Dans l’ensemble je ne vais tout détailler car il y a beaucoup de personnages, mais 1612 est d’un très bon niveau (avec outre le fait de prendre un acteur espagnol, celui de prendre des acteurs polonais pour des personnages polonais).
Au niveau de l’histoire 1612 s’en sort très bien, et ce malgré sa durée. L’ensemble est d’une grande richesse, mêlant habilement la grande et la petite histoire. Très rythmé, il n’y a absolument aucun temps mort et tout est intéressant. Il n’y a pas que de la bataille (contrairement à ce que la bande annonce peut faire croire), et les dialogues sont écrits avec justesse. Par ailleurs c’est un vrai plaisir de découvrir un pan d’histoire fort peu connu du grand public sous nos contrées (sauf peut-être des amateurs du jeu vidéo Cossacks).
Néanmoins là où il convient de s’incliner devant 1612, c’est au niveau visuel. Quelle claque ! Là les américains vont clairement devoir se bouger au niveau fresque historique s’ils veulent rester concurrentiels avec leurs budgets pharaoniques. Avec Iron Sky récemment dans le domaine de la SF, voilà pour moi un des films qui avec un budget ultra ric-rac arrive à donner une somptuosité plastique étonnante. Les décors et les costumes sont parfaits, il n’y a rien à ajouter. C’est précis, c’est fin, c’est documenté. Je pense que même les profs d’histoire seront contents. La reconstitution d’époque est simplement magistrale, et je pèse mes mots, sincèrement. La mise en scène de Khotinenko est brillantissime. Il y a de l’ampleur, c’est épique au possible, il maitrise aussi bien les plans larges que les plans intimistes. C’est un réalisateur d’experience, on le sent, et il propose un travail d’une propreté totale. La photographie est sublimissime, que dire de plus. Il y a du contraste, de la couleur, de la profondeur. Et les scènes d’action, mazette ! Exit les récents Kingdom of Heaven ou Robin des Bois, là on retrouve le plaisir que l’on avait pu avoir devant Braveheart ou Gladiator. C’est enlevé, c’est violent (il y a quelques effets gores ultra-réalistes), c’est grandiose. Les charges des cavaliers polonais sont d’une beauté à couper le souffle, appartenant au sommet du genre. La musique épique suit les images avec majesté. Un tout petit bémol : quelques effets numériques un poil perfectibles, mais avec 12 millions il est impossible de chipoter 1612 tant j’aimerai que des films à 100 millions fassent aussi bien !
Ayant déjà était long je conclurai vite mais bien : 1612 est à voir absolument pour tout amateurs de film historique. C’est visuellement du niveau de Gladiator, pas moins, et le scénario se paye le luxe d’être encore plus ambitieux et audacieux. Avec franchement pas grand-chose pour un projet aussi pharaonique, Khotinenko livre un travail d’une qualité inouïe. Avec 200 millions j’aurai applaudi ce film, avec 12 millions je le considère comme une montagne. Chapeau bas à l’équipe !