Hemingway méritait mieux que ça! Owan caricature Ernest, non que l'acteur ne séduise pas, mais il peine à incarner l'Artiste expérimental, l'homme hypersensible sous une rudesse apparente. D'abord le détail morphologique, l'acteur est taillé comme un roseau (voir la scène ou il est dévêtu) alors qu'Hemingway était un sportif robuste et musclé. Hormis la "gueule" du moustachu nettement moins carré que celle de papa, Il ne livre au final qu'une copie édulcorée et manichéene du séducteur bon vivant et provocateur. J'aurai preféré dans le rôle un William Clark Gable, un Burt Lancaster ou un Sean Connery morts ou vifs! Ensuite, le scénario n'épargne aucun poncifs commerciaux et narratifs! les coups d'éclats d'Hem en public, les ébats sexuels, et pour finir les violentes disputes en privé. Enfin, le film se complait à évoquer la légende décadente du fort en gueule, du va t'en guerre et de l'acoolique à la Finca Vigia. Mais où sont les maîtres qu'Hem admirait : Twain, Tourgueniev, Maupassant, Tolstoï ou Joyce, ou est son travail de création artistique en solitaire, passons les fameux combats de boxe, les parties de pêche au gros, les courses de chevaux ou la corrida qui le fascinèrent, ou sont les rapports intimes qu'il entretenait avec les hommes et femmes de lettres de son temps... A part la guerre d'Espagne fusil au poing risible, où sont les folles équipées militaires auxquelles il a participé en Italie et en France, celles où il mettait sa vie en péril et que justifiait le désir d'être là ou l'action avait lieu peut-être par souci d'authenticité...
A la fin du film, je me suis replongé dans "en avoir... ou pas"--> voir le port de l'angoisse. Il aurait mieux valu adapté un roman comme "Paris est une fête" si c'était pour passer sous silence les plus belles années : Hadley qu'il regretta toute sa vie, les influences de Gertrude Stein et Sylvia Beach, les relations avec Ezra Pound, Scott Fitzgerald ou Marlène Dietrich...
Vous conviendrez que loin de me laisser sur ma faim, le film m'a coupé l'appétit. Lisez plutôt ses nouvelles auxquelles Hemingway attachait une importance plus grande qu'à ses romans parcequ'il obtenait une synthèse de l'imaginaire et de l'expérience vécue. Le mot de la fin à James Joyce : "C'est un paysan, grand et puissant, fort comme un buffle. Très sportif. Et prêt à vivre la vie qu'il écrivait. Il ne l'aurait jamais écrite si son corps ne lui avait pas permis de la vivre".