Sono Sion atteint le chef d’œuvre avec ce ‘Himizu’ (« taupe » en français). C’est l’histoire d’un adolescent, Sumida, dont sa famille est réduite à la misère après le séisme de Fukushima, qui décide de vivre simplement (« comme une taupe »), d’avoir un avenir alors que tout semble compromis. Keiko, une jeune fille heureuse en apparence mais elle aussi meurtrie par la catastrophe, est éprise de Sumida et va tenter de l’aider. Ce contexte d’actualité est nécessaire pour montrer le désespoir de la jeunesse japonaise (un thème récurrent chez Sion Sono) et permet à la fois de critiquer les actions du gouvernement face à la situation – un parti pris dangereux pour le réalisateur. Comme à son habitude, Sono se sert d’une violence âpre pour dénoncer un propos, décrire la misère, choquer ou du moins faire réfléchir son spectateur. Ainsi, la situation familiale catastrophique de Sumida et de Keiko – dont les parents sont irresponsables, impitoyables voire sadiques – ne relève pas du cliché mais représente par l’hyperbole (un moyen usité par le réalisateur) le pouvoir destructeur d’une catastrophe de l’ampleur de celle de Fukushima, anéantissant tout espoir d’avenir. Ce pouvoir de destruction est aussi matérialisé par les travellings oniriques dans les décombres de la ville, spectacle d’une étrange beauté, témoin du cynisme omniprésent du réalisateur. Les voisins de Sumida, complètement démunis, voient en lui l’espoir d’un futur paisible, d’une possible reconstruction. Car la jeunesse (ce qu’il incarne) est plus que jamais nécessaire à cette reconstruction, elle a pour rôle de redonner espoir à toute une population. Mais Sumida est désespéré, livré à lui-même, alors que les ennuis, la folie et la mort rôdent autour de lui, plus proches que jamais. Il s’accroche pourtant à la vie, si dure soit-elle, et Keiko se charge de veiller sur lui, elle deviendra sa seule lueur d’espoir. ‘Himizu’ atteint un sommet, l’œuvre la plus aboutie sans aucun doute de Sion Sono. Tout fonctionne : le message acerbe sur la société et le gouvernement japonais a un impact très important sur le spectateur. Et ce grâce à la mise en scène, le surréalisme et la dose de folie apportés comme à son habitude par le réalisateur. Mais aussi à l’interprétation étincelante des deux acteurs principaux Shôta Sometani et Fumi Nikaido et à la bande son – dérangeante ou émouvante – qui s’allie parfaitement aux scènes.