Le cinéma de David Ayer m'a à une époque convaincu; il fallait donc que je vois End of Watch depuis un petit bout de temps, la présence de Jake Gyllenhaal dans le rôle principal aidant bien à la détermination de trouver le bon moment. Et s'il est venu, surement que je lui ai accordé du temps trop tard pour l'aimer : désormais au courant des excès visuels du réalisateur et de son manque d'esthétisme flagrant, la pilule ne pouvait que très mal passer.
Ayer, comme à son habitude friand de vulgarité et d'excès en tous genres, réserve pour son film ses pires effets bling-bling pour représenter une culture de la rue qu'il caricature constamment, en montrant notamment la bande de petits voyous parler comme des charretiers sans un pet d'intelligence à revendre; ses antagonistes, s'ils sont très eu développés, sont rendus désagréables par la stupidité des dialogues qui leur sont assenés, ces derniers renvoyant à ce qu'on trouve de pire dans les clichés des polars à tendance expéditive.
C'est cliché, constamment attendu et d'une laideur visuelle qui détruit tout le sens de la démarche : le projet étant à la base de nous présenter une sorte de faux documentaire sur le quotidien des policiers dans les quartiers chauds de Los Angeles, David Ayer, surement trop peu inventif pour une telle démarche, aura décidé de céder à la facilité en mêlant son found-footage like à une caméra à l'épaule ramenant le cinéaste dans l'intrigue et faisant comprendre, dès l'introduction et ses multiples plans non filmés par Gyllenhaal, que l'on se trouve devant une oeuvre qui n'aura pas eu l'imagination nécessaire pour ses ambitions poussées.
En ressort un drôle de résultat des plus laids, qui ne trouve bien sûr aucune crédibilité artistique : détruire totalement un procédé artistique jeune en l'imitant au travers d'une mise en scène qui manque elle-même de travail traduit au final l'incapacité d'Ayer à tenir une caméra de façon convenable. Imiter le style found-footage n'est pas inexorablement synonyme de réalisation parkinsonienne et d'absence de direction artistique : c'est présent dans la majorité des mauvaises productions du genre, celles qui ne feront pas date, mais ne peut-être employé pour un film qui se veut de base en dehors des clous du cinéma, plus proche du réel et de ses horreurs.
Que l'on prenne Taxi Driver ou le récent Les Misérables, montrer le quotidien d'une ville en proie au crime et à la malhonnêteté n'est pas obligé de passer par des insultes ou cette caméra à l'épaule constamment tremblotante, aux petits mouvements et cutée trop rapidement pour qu'une seule scène ne prenne de l'ampleur; il arrive, à quelques rares exceptions (quand Peña maîtrise sous le regard amusé de son acolyte un voyou de bas étage, le tout par un plan fixe qui dure suffisamment longtemps), que certaines nous reviennent en tête pour autre chose qu'un souvenir de bouillie numérique infâme : ces séquences là permettent de sortir la tête de l'eau, de respirer un peu en se rappelant qu'on est en train de regarder un film avec un véritable message, pas seulement une oeuvre clipesque et vulgaire à la laideur affirmée.
L'on aura beau tenter de trouver des explications au mélange entre caméra de flics, de gangsters (caméra rajoutée n'importe comment) et de l'équipe de technique de l'oeuvre, il n'en viendra aucune autre que celle déjà citée plus haut, le manque d'investissement et d'invention technique de son réalisateur médiocre, preuve avec End of Watch qu'il n'a finalement pour seul talent que de broder des histoires convenables (bien que jamais bien marquantes) sur un milieu particulier et finalement peu expérimenté dans le cinéma international, le crime bling-bling de l'Amérique des banlieues.
On retrouve, bien sûr, cette photographie chaude et sableuse qu'il affectionne tant lorsqu'il s'agit de mettre en scène ses conflits favoris, flics contre voyous, sans pour autant que le montage pressé ou sa mise en scène hasardeuse ne lui rende jamais justice, et l'on en vient à se dire, au bout d'un moment, que cette histoire n'a plus de sens que pour suivre l'avancée des deux personnages principaux, bien campés par leurs acteurs respectifs sans moments de gloire dont on se souviendra, et non plus pour chercher un message, une réflexion portant sur le travail de ces forces de l'ordre placées devant un mur infranchissable, une organisation criminelle ultraviolente qui aurait pu, si le film avait été plus ambitieux, questionner à la façon d'un Troupe d'Elite le bienfondé d'employer certaines méthodes expéditives (très rares ici) pour contenir un mal auquel on pourrait, d'une certaine manière, finir par ressembler.
En ressort l'impression de voir du remplissage amené par l'emploi de la caméra des gangsters, qui n'a d'utilité véritable que celle d'amener des personnages caricaturaux qu'on pourra un peu plus identifier au moment du règlement de compte final, certes intense mais convenu et plombé par des incohérences facilement évitables (à part en ayant de graves problèmes de vue, autant de fusils mitrailleurs canardant en même temps ne peuvent pas rater deux cibles à une distance aussi rapprochée, même tenus par des incapables).
Partie de l'intrigue qui va pointer un autre défaut de l'oeuvre inhérent au genre auquel elle se rattache, la fameuse manie de ceux qui filment à des moments improbables, voir dangereux. S'il tente de l'expliquer en positionnant des caméras sur le pare-brise des voitures, ou même en filmant par le prisme du réalisateur certaines séquences d'action, il n'empêche qu'End of Watch se prend de multiples fois les pieds dans le tapis en reproduisant le schéma d'un genre cinématographique n'ayant pas duré pour une bonne raison : jusqu'à preuve du contraire, le found-footage, et tous ses dérivés, apportent plus au spectateur de paresse visuelle sur fond de scénario sympathique qu'une expérience véritablement éprouvante et artistiquement réussie, cachant, très souvent, le manque de talent flagrant des équipes qui mettent en oeuvre des long-métrages voués à n'exister que quelques mois, avant de retomber dans l'oubli des pages défilantes du streaming.