Décidément, seules les femmes sauraient-elles dépasser l'éternel recommencement induit par la loi de talion? Après Revenge de Susanne Bier, brillant essai théorique sur la manière à adopter pour rompre avec la règle de "l'œil pour œil", voici débarqué de Russie, présenté par deux femmes, conjointement réalisatrices, actrices et productrices ce Portrait au Crépuscule, comme un ultime cliché d'un pays au déclin. Et sans doute près à se relever plus éclatant encore.
Dans la région de Rostov, les criminels pullulent et les pires d'entre eux sont voués à rester impunis, puisqu'il s'agit bien souvent de la police elle-même. Après My Joy, film Ukrainien sorti l'an passé, on n'en finit plus de voir un portrait au vitriol de l'ex-Union Soviétique: corruption, violence et loi du silence comme sainte trinité. Accablant. Une patrouille de flics, dont c'est visiblement l'habitude, s'en prend à Marina et lui font subir divers sévices sexuels. Meurtrie mais pas abattue, la jeune femme doit faire face à l'indifférence générale, à la défiance de la police et à l'hypocrisie de son entourage, avec qui elle décide de régler ses comptes lors d'une fête d'anniversaire qui rappellera les grands moments de Festen. L'histoire aurait pu s'arrêter là si elle ne tombait pas nez à nez avec un de ses agresseurs dans un troquet des plus rustiques. A l'évidence, ce bourreau ordinaire ne la reconnaît même pas, et la courageuse Marina se lance dans une quête éperdue: séduire ce monstre pour le comprendre, et peut être même le guérir.
Humaniste, voire utopique, dans sa conception même de la justice, Portrait au Crépuscule est une recherche constante dans l'optique de briser l'éternel cycle de la violence. Assistance sociale au civil, Marina a l'habitude de traiter les maltraitances d'enfants, à un point même qu'elle en vient à avoir du dégoût pour ces passives victimes, vouées soit à devenir des êtres incapables de prendre leur destin en main, brisés par une enfance malheureuse, ou des monstres ordinaires reproduisant tel quel le système éducatif reçu. En entrant dans l'antre de son agresseur, Marina apprend à le connaître, et va jusqu'à lui donner l'amour qui lui faisait cruellement défaut. Si on peut railler le caractère naïf d'une telle solution, il faut absolument louer le courage intellectuel dont elle fait preuve.
Défiant la tête haute la victimisation, ces cinéastes présentent une Russie consciente de ses défauts mais avide de s'en sortir. Sans jamais se départir d'une constante tension dans la narration, si le message peut être aussi bien entendu d'un point de vue théorique, c'est car, indéniablement, les petits plats on été mis dans les grands, et un fin gourmet ne saurait trouver à redire de cet met concocté avec patience et, mieux encore, bienveillance.