Il y a un titre ou un sous-titre qui conviendrait parfaitement à ce film: ce serait le mot "Amour", s'il n'avait déjà servi de titre au fameux film de Michael Haneke. Mais Haneke trompait en quelque sorte le spectateur en voulant faire passer pour de l'amour l'enfermement et la folie menant à un acte fatal, tandis qu'ici le mot ne serait pas usurpé...
Amour et simplicité dans ce film beau et tendre qui se dévoile à nos yeux comme une évidence, comme ce qu'il convient de faire quand on est reconnaissant et qu'on aime vraiment. Sans donner de leçons bien entendu, sans jamais tomber non plus dans un déferlement de bons sentiments qui finirait par nous écoeurer, la réalisatrice Ann Hui a su trouver le ton juste et la juste distance pour nous parler de choses simples: des petits gestes d'amour et de tendresse qui mettent un peu de douceur dans nos vies, même quand surviennent le grand âge et les déchéances physiques.
Nous voici donc à Hong Kong, dans un grand appartement bourgeois déserté de la plupart de ses occupants: n'y résident plus que Roger et Ah Tao, la servante. Cette dernière fut placée dès son adolescence dans cette famille, elle a servi et materné quatre générations de ses membres et elle continue de servir fidèlement Roger, achetant tout avec soin et faisant la cuisine comme personne!
Mais voilà qu'elle fait un infarctus et qu'elle se retrouve à l'hôpital, sauvée mais affaiblie. N'ayant plus la force de faire ce qu'elle a toujours fait, elle prend la décision de se retirer dans un foyer pour personnes âgées. Que fera Roger? Comment réagira-t-il, lui qui a toujours été servi par Ah Tao, l'habitude engendrant peut-être une sorte d'inattention? Or Roger non seulement n'est pas un ingrat, mais c'est lui qui dorénavant se mettra au service d'Ah Tao et sera aux petits soins pour elle. Il ne l'abandonnera certes pas aux mains du personnel de la maison de retraite: il sera là, présent autant qu'il le peut, tâchant par tous les moyens d'adoucir la vie de celle qui l'a tant servi. Les autres membres de la famille aussi, même s'ils ont déménagé, viendront à l'occasion visiter celle qui leur a consacré sa vie. On découvrira d'ailleurs, dans une belle scène de la fin du film, qu'on a affaire à une famille chrétienne: tous rassemblés autour du lit d'Ah Tao qui a dû être hospitalisée, ils se donnent la main et ils prient.
Ne croyons pas cependant que la réalisatrice se soit égarée dans l'angélisme: il n'y a pas, comme je l'ai dit, de débauche de bons sentiments, et rien ne nous est épargné ni des déchéances physiques des personnes âgés ni des petites ou des grandes turpitudes des uns ou des autres... Non, tout cela sonne juste et vrai. Pas besoin de grandes péripéties ni de scènes d'action ni d'effets spéciaux à foison pour faire un bon film: ce film-là est simple comme son titre et il va droit au coeur! 8/10