Dans le cinéma de Rosalès, les événements n'importent peu, pourtant ils ont lieu à un moment. Avant on ne s'y attend pas, et après on est obligé de vivre avec. C'est le cas pour Oriol et Yolanda, deux espagnols vivant à Paris qui perdent tragiquement dans un accident une de leurs deux filles. Rêve et silence est le récit de plusieurs vies, dont l'existence est bouleversée par un deuil.
Rosalès semble vouloir à tout prix s'éloigner des fictions traditionnelles en créant un film morcelé par les coupures dramatiques, et presque uniquement composé de plans séquence, à tel point que parfois nous nous trouvons à nous demander si l'opérateur caméra n'aurait pas oublié d'arrêter la prise avant de rentrer chez lui. N'a d'égal à la longueur des plans que la prétention qui apparaît quand on assiste à ce métrage, et quel dommage quand on sait que ce n'est pas la personnalité du réalisateur.
Malgré cela il faut reconnaître l'intelligence de plusieurs aspects du film : le cadrage par exemple, apparemment indépendant et étranger à l'action dramatique, nous ferait presque penser à un tableau de Vermeer, comme si nous n'avions pas été invités aux scènes. Le cadrage suggère aussi le long du film la présence de l'absence dans le champ, en effet de nombreux plans révèlent la présence d'autres entités et la continuité de l'espace en dehors du champ filmique.
Rêve et silence est en soi une fresque flirtant avec les apparences documentaires, et avec la fiction mystique.
On est obligé de se questionner quant à la place de certains effets techniques dans le film, qui peuvent paraître conceptuels pour l'être. "Ah non mais tu vois, c'est que tu as pas compris l'aspect mé-ta-phy-sique du truc." Sûrement, en attendant à trop vouloir s'envoler, on en oublie presque que l'humain, dont on dresse le portrait a des sentiments, et quand on ne les exploite pas dans un film, ben ça peut être pas mal quand même mais on ne ressent rien.