Étrange film que ce Kill List qui commence comme un drame social british pour finir en affrontement sectaire entre deux personnes affublées de masques en paille (dont un bossu) ! Auréolé de quelques prix et nominations, encensé par certains, Kill List se dote d'une petite réputation qui intrigue et fait des envieux : celle de la pépite horrifique de l'été. D'où l'incompréhension quand on voit le film...
Le propre du cinéma de genre à toujours été d'investir des structures codées pour mieux jouer de ces codes et les réinventer, les transcender pour offrir de nouvelles visions. En ce sens, Kill List pose un personnage principal de tueurs à gages rangé des flingues qui rempile pour un dernier contrat, forcément celui de trop (à peu près le script de tous les DTV du casting d'Expendables). D'abord présenté longuement dans son quotidien familial, avec ses problèmes d'argent, de dos et de couple, notre héros (en manque de thunes) va reprendre du service en compagnie d'un copain d'armes pour exécuter les noms d'une liste. Ceci pour le compte d'un mystérieux vieillard qui va conduire le film vers une dimension de thriller horrifique empreint d'ésotérisme. Alléchant programme, ambitieux, mais qui malheureusement ne tient pas du tout la route...
En premier lieu, Kill List rappelle fortement, jusque dans son final, le désagréable et nihiliste A Serbian film (âmes sensibles s'abstenir). Même personnage antipathique, même point de départ, même twist final tétanisant, même pessimisme... ; les ressemblances sont véritablement troublantes mais ici, Ben Wheatley à la bonne idée de ne pas tomber dans la surenchère gonzo et provoc. La violence y est crue mais toujours dosée avec parcimonie, sans complaisance graphique (d'où son puissant impact). Le discours reste, lui, profondément discutable puisque le nihilisme n'y a pas grand fond, ni propos, à l'inverse de la nouvelle-vague Sud-Coréenne ou du travail de Rob Zombie et Christopher Smith. Ajoutons à cela un script sans véritables surprises, aux enjeux unilatéraux et à la dramaturgie morne et Kill List achève de montrer ses grandes carences scénaristiques. On pourra trouver intéressant (même si, là encore, pas follement original) le fait de ne pas identifier la menace ou sa rationalité mais dans un film aussi rempli de trous narratifs et d'incohérences, on peut vite se demander si le réalisateur ne savait simplement pas où aller. Les personnages n'ont pas beaucoup d'épaisseur à l'exception du héros, auquel on s'identifie d'ailleurs très peu tant il est antipathique et son interprète anticharismatique. Chaque retournement de situation s'évente aussitôt et beaucoup de choses se calculent en amont (exemple : les personnages louches sont les méchants, tada !) d'où l'impression constante de déjà-vu et d'évidence et ce malgré le glissement du film du thriller à l'horreur. C'est d'ailleurs cette translation qui est la plus ratée car pas assez préparée dramaturgiquement tout en étant évaporée par des gros effets d'annonce.
Et c'est peut-être cela qui vaut pour tout le film, cette façon d'en faire trop et pas assez à la fois. Ben Wheatley est conscient du minimalisme de son intrigue et plutôt que de miser sur cette sobriété afin d'offrir un résultat visuellement transcendant dans son découpage et son cadrage, il préfère décliner une réalisation bourrée d’afféteries. Filmage hasardeux, photo filtrée à l'excès, montage rempli de sautes d'images... Au final, Kill List veut se créer une identité esthétique sans se rendre compte qu'il chope tous les tics d'une grande partie des films de genre récents (et pas forcément les meilleurs). Cela culmine dans des scènes nocturnes illisibles car... c'est la nuit et on ne voit rien. On vous dira que l'objet est de créer la peur mais là encore, le film n'a rien de terrifiant car jamais subtil dans la terreur. L'aspect survival-horror de la scène dans la forêt s'annule avec une secte d'épouvantails braillards assimilables à des ennemis vidéoludiques. Les joueurs de Left 4 dead verront de quoi je parle, ceux de Serious Sam aussi... malheureusement. Et à l'échelle du film dans son entier, l'utilisation musicale redondante de notes sourdes et de plages de cordes stridentes et assourdissantes affilie Kill List à Jusqu'en enfer ou Insidious, des films d'horreur très démonstratifs, loin des ambitions du film. Usant et sans aucun effet sur le rythme cardiaque...
Voulant à tout prix se démarquer, Kill List finit donc par échouer sur le plan du fond, de la forme mais aussi de la sacro-sainte identité chère au cinéma de genre. Le film avait donc de quoi susciter l’intérêt sur le papier, surtout quand on connait la vivacité du cinéma de genre anglais, malheureusement Ben Wheatley n'est pas l'excellent Christopher Smith et ce Kill List, trop brouillon, risque de ne pas faire de vieux os. Mais qui sait, peut-être une prochaine fois ?