Les déambulations d'une petite fille de 4 ans à l'interieur et aux alentours d'une maison perdue dans la forêt : voilà ce à quoi se résume « Nana ». Il est toujours délicat de diriger des enfants au cinéma, surtout aussi jeunes. Valérie Massadian prend donc le parti de ne pas diriger la petite Kelyna Leconte, la laissant évoluer dans le champ de la caméra, la filmant pendant des heures et des heures (soixante en tout), en se réfèrant à peine au maigre scénario rédigé pour obtenir l'aide du CNC, et écrivant de fait tout le film au montage. Malgré l'austérité du dispostif, il serait erroné de prétendre qu'il ne se passe rien dans ce premier long-métrage :
il est assez rare de voir au cinéma une fillette de cet âge-là jouer avec un lièvre mort avant de s'en débarrasser dans la cheminée
. La scène est sidérante, quoiqu'on pense du film : la singularité de « Nana » provoque obligatoirement une réaction, positive ou négative, chez le spectateur.
Valérie Massadian est photographe, elle a même été l'éditrice de Nan Goldin. C'est entendu, Valérie Massadian fait de beaux cadres. Son talent formel est cependant totalement anéanti par un vide recherché et assumé sur le fond : « Nana » ne raconte pas d'histoire, c'est une suite de saynètes plus ou moins improvisées mises bout à bout sans qu'aucun sens ne s'en dégage vraiment. On touche ici aux excès du cinéma numérique : on tourne des dizaines d'heures de rushes avec un fil conducteur plus ou moins léger, et on tente d'y donner une forme cohérente au montage. C'est dans l'air du temps : rappelons que le César du meilleur montage est récemment revenu à « Polisse », et qui partage par ailleurs avec « Nana » sa manipulation de jeunes enfants à des fins artistiques dont le résultat laisse songeur. Car, en effet, les saynètes de « Nana » se divisent en deux catégories :
les plans interminables de la vie quotidienne (Nana se lave, Nana s'habille, Nana joue...)
; les plans « chocs », dont on ne sait trop s'ils relèvent d'une réflexion profonde sur la perception de la mort chez l'enfant ou d'une volonté de provocation arty un brin douteuse :
hormis les scènes avec le lièvre, figure la non moins fameuse introduction, pour le coup totalement documentaire, de l'abattage (laborieux) d'un porc.
Certains aimeront, probablement pour les mêmes raisons qui m'ont fait détester. En ce qui me concerne, lors du générique de fin, s'impose une évidence : on a bel et bien assisté à un nana(r).