L'histoire de la filature n'est qu'un alibi, truffée de fausses références qui ne vous seront d'aucun recours, parce que les gogos ont besoin de quelque chose à quoi se raccrocher, sinon ils angoissent, sont perdus, ne comprennent rien, n'y voit que du feu, ne s'enfermerait pas pendant 2 heures dans une salle obscure. Car si on enlevait cette intrigue en trompe-l’œil, on n'aurait l'impression d'assister seulement à quelques conversations anodines de jeunes Tokyoïtes lambda presque transparents. Mais les apparences sont trompeuses : douceur factice de la forme, pour ainsi dire convenue, insipide et ennuyeuse, tiédeur des personnages, musique d'ascenseur lounge. Comme la trajectoire de la belle jeune maman
dont on a toujours su qu'elle promenait seulement sa fille l'après-midi, n'avait aucun amant, rien à se reprocher,
il faudra avoir la patience, pour rien, de suivre un bon moment, jour après jour, sans connaître vraiment la raison (le mari ne veut pas vraiment expliquer pourquoi à Koji) pour découvrir la forme qu'elle donne à ses promenades, le film effectue un mouvement de déplacement presque imperceptible (à l'exception d'un travelling qui part faire une embardée sans prévenir dans les arbres secoués par le vent ; et du film qui se métamorphose quelques minutes en film de zombies, presque sans raison, comme ça) en forme de spirale, centrifuge, qui s’élargie, s'ouvre, fait place, s'éloignant de ce postulat de départ pour explorer l'air de rien toutes ces vies plates, marquées du sceau invisible mais implacable et bien réelle de la solitude contemporaine : le patron du bar, la sœur ainée, le jeune photographe, Miyu, tous sont tous seuls, célibataires, et aucune raison que cela change. Koji et Miyu ? Non, ils sont justes de bons amis. Pis, chacun couve le deuil de l'être cher... un compagnon, un parent. Hijo le fantôme occupe toujours sa chambre dans la maison, comme un colocataire presque normal. Le film retrace le trajet translucide de Koji pour clarifier son existence : est-on ami, amant, frère, sœur, client, lui qui semblait vivre sa vie d'étudiant indéfinie, à l'avenir incertain, aux non-dits familiaux, un brin incestueux... ayant besoin de placer l'optique d'un appareil photo entre lui et les autres pour mieux les regarder...