Ennuyeux, horrible... néanmoins très pensé et relativement bien foutu (d'où une critique sérendipitive a posteriori), HASHOTER (Le Policier) fait double figure. Sa structure clairement bipartite, peu dense, associée à un rythme en défaut, prive l'histoire d'une fluidité qui aurait compensé son manque de force. Le premier tiers, plutôt plaisant, laisse présager d'une teneur intéressante; malheureusement, la suite accuse des longueurs et le rythme se perd jusqu'à l'irruption d'un certain suspense qui finit par décevoir. L'impression de pesanteur se trouve accentuée par le refus de toute musique extérieure au récit (on aura donc un instant de pop-rock, un live au violon sur fond de trafic et trois chansonnettes). Yaron, le policier sexy, frustré par une meuf enceinte façon baleine, se révèle attiré par les jeunes filles pures; cette émotion intime va entrer en résonance... Shira la révolutionnaire juive, version chic mais pure et dure, tire tout le long la tronche car, si derrière des apparences glaciales, c'est bien l'amour qui tisse les liens du jeune groupe commando, une lucidité cinglante doit toujours primer sur les sentiments, affaiblissants... Têtue. Deux phases, deux missions: d'un côté fusent une jovialité juteuse, une convivialité raisonnable, alliées au sens du devoir, non sans préjugés et agressivité réprouvables (racisme et machisme) -c'est le groupe validé par le pouvoir; de l'autre s'étale sécheresse d'esprit (le feu sous la glace), calcul, non-dits et la haine ravalée -c'est le groupe de révoltés, honni et déclaré immature par ce même pouvoir. On montre que les flics ne sont pas que des bourrins animés par un goût pour les rapports violents, d'une manière démonstrative un peu lourde; en même temps on montre leurs accès de violence, un préjugé raciste anti-arabe (c'est maigre) et quelque machisme. Les révolutionnaires radicaux, eux, en nombre restreint, paraissent en parallèle bien fades, moins spontanés, à tendance asociale et sectaire. Cependant, la façon dont ils gèrent les situations imprévues vient insensiblement craqueller leurs certitudes; leur entêtement se voit menacé par des puissances irrationnelles. Pourtant, les uns et les autres se révèlent animés d'une certaine cérébralité commune, caractérisée par un sens du devoir inflexible et par une légimation de l'usage de la violence. Par conséquent, entre le groupe d'intervention policière et le groupe commando suicide, on ne tombe pas dans le manichéisme. Pour preuve, la mise en opposition vise autant à trancher qu'à réunir jusqu'à l'absurde: elle devient donc miroir. En cela, le plan final est destiné à marquer l'esprit. Malgré tout, au-delà du trouble engendré par la confrontation à des figures terroristes atypiques, en l'occurence juives crypto-bourgeoises, LE POLICIER semble conservateur-compatible. En effet, il ne possède aucune charge séditieuse, au-delà d'une dénonciation rabattue de la corruption des très riches et du leitmotiv sur l'exploitation des opprimés. Le groupuscule passe pas mal de temps sur son manifeste, et nous on s'ennuie. A côté de CECIL B. DEMENTED (uniquement pour l'aspect blonde terroriste décoiffante), ce film ne possède aucune force climactique soutenue. Parce que le petit groupe terroriste partage avec la clique d'ultra riches le même côté glacial et calculé, faussement spontané, l'histoire les rassemble dans une même figure pathétique. Soit, on dénonce au passage l'indifférence, la morgue et la prétention méprisante des riches mais, à ce niveau, on tombe dans l'inanité et le ridicule. De plus, on ne montrera rien de la pauvreté extrême en Israël (à part un clodo comme y en a partout), justement pour éloigner la figure arabe cliché; or cela façonne une vue désincarnée. Enfin, parce qu'il se fait terroriste, le discours des révoltés devient quasi inaudible, irrecevable, du moins mal réceptionné. L'attente d'une vraie tension se retrouve douchée par une enfilade de scènes bien trop calmes. En tous cas, l'ensemble dépeint une société figée, sclérosée, recroquevillée sur elle-même. LE POLICIER vise surtout l'ironie et l'absurde, à l'image de ce groupe d'ados-punks casseurs qui se trompent carrément de cible. Mais à part quelques passages, ça reste très morose (le seul moment drôle, le t-shirt avec un imprimé français, c'est dire). La bande-annonce peut tromper son monde. Tout ça pour une ridicule attaque au jus d'orange... En lieu de confrontation d'ennemis, c'est l'absurdité qui rejoint le pathétique. Le jeu d'acteur, passable, et les modestes qualités esthétiques du film, soutiennent un propos bancal et ambigu. Certes, Yaron ne verra plus les choses de manière aussi tranchée, mais pour nous le bouleversement n'est pas au rendez-vous. Impression de semi-ratage.